Le Conseil d’Etat se retranche derrière la politique fédérale pour s’acquitter de sa participation à la politique d’asile inhumaine déployée en Suisse. Il passe comme chat sur braise sur les marges dont il dispose pour se distancer de celle-ci. Des marges auxquelles il recoure trop peu. Dans sa réponse à la motion 2730 qui demandait très modestement d’accueillir 20 familles cantonnées dans le camps de Kara Tepe, il recense tout ce que fait la Suisse en matière d’asile et conclut que cela est le mieux qui puisse être fait. Il se réfugie surtout derrière le prétexte qu’il s’agit là d’une compétence fédérale. Mais cette fois-ci le Grand conseil n’a pas avalé cette couleuvre. Il a refusé cette réponse et a renvoyé par 45 voix contre 33 sa copie au Conseil d’Etat.

Le texte expliquant pourquoi il n’a pas été donné suite à la motion 2730 n’est pas acceptable. Il constitue uniquement une forme de « non réponse ». Polie, développée, mais néanmoins une esquive à la demande claire exprimée par ce Parlement : Extraire 20 familles de l’enfer humanitaire du camp de Kara Tepe. Le Conseil d’Etat explique que les personnes confinées dans ce camp, comme dans d’autres d’ailleurs, ne sont pas des réfugié.e.s, mais pour l’heure que des postulants à l’asile. Au sens strict du terme, sur le plan statutaire peut-être. Cependant, il n’en demeure pas moins que ces personnes nécessitent une protection.

A noter à ce propos, une mention dans cette réponse qui interpelle. Le texte introduit une brèche dans la vision manichéenne qui sépare les requérants d’asile entre ceux dont la situation justifiera l’obtention du statut de réfugié.e.s et ceux qui ne pourront y prétendre car pas précisément « exposées à de sérieux préjudices… en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur apparte­nance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques ». La réponse du CE indique que dans la catégorie « requérants d’asile » on trouve : « à la fois des personnes qui seront ultérieurement reconnues comme réfugiées, parce qu’elles fuient des persécutions, et qui bénéficieront d’une protection, et des personnes qui cherchent un avenir meilleur ou qui, malgré des persécutions subies, n’obtiendront pas la protection et devront retourner dans leur pays d’origine. » Ainsi, le texte confirme que des personnes victimes de persécutions ne bénéficieraient de la protection que justifie leur situation. Cet aveu est scandaleux. Il met en lumière une forme inadmissible de déni du droit d’asile, du devoir d’hospitalité.

Enfin, l’énoncé de ce qu’a fait préalablement au dépôt de cette notion la Confédération au nom de l’aide humanitaire ou de la prise en charge de mineurs non accompagnés, tel qu’il en est fait mention dans la réponse du Conseil d’Etat, est sans aucun doute appréciable mais à l’évidence pas suffisant au regard de l’ampleur des besoins des personnes parquées dans ces camps de la honte érigés aux frontières de l’Europe. Pour nous, clairement : ce que ce qui a été fait ne peut se substituer à ce qui doit être fait.

Pour conclure, il faut rappeler qu’outre la nécessité de faire face à la problématique de l’asile et notre devoir d’y répondre avec humanité et respect des personnes concernées, il nous incombe de remettre en question nos implications politiques et économiques avec les régimes qui génèrent oppression, persécutions et exil. La main qui dispense l’asile, aussi parcimonieusement soit-il, ne peut feindre d’ignorer ce que fait son autre main qui flatte et entretient les régimes totalitaires.

Jocelyne Haller