Le Grand Conseil a largement approuvé un projet de loi intégrant lafondation Eclosion au sein de la FONGIT. Derrière ces noms peu connus, se cachent des « incubateurs de start-ups » qui sont censés permettre la création d’emplois à Genève. Le Canton investit des millions dans ces structures parfaitement opaques sans que leur utilité n’ait jamais été démontrée. Pire encore, de graves suspicions de conflits d’intérêts pèsent sur Eclosion et aucune garantie n’a été apportée par le gouvernement que les dysfonctionnements ne se reproduiraient pas à l’avenir. Seul EàG s’est opposé à ce projet de loi.

Les objectifs de la FONGIT sont extraordinairement flous. L’exposé des motifs du présent projet de loi en témoigne. Le saupoudrage du terme « innovation » ne permet pas de masquer l’absence criante de critères objectifs pour les start-ups. Pire encore, aucun objectif n’apparaît, ni en matière de mise en place d’entreprises pérennes, ni d’emplois créés. En réalité, le système des « incubateurs de start-ups » est caractérisé par une opacité totale. Les député-e-s appelé-e-s à se prononcer sur ce PL, ne pourront le faire sur aucun élément tangible attestant de l’utilité et de l’efficacité des institutions concernées. Si l’objectif et de « favoriser la création de start-up » dans le domaine des sciences du vivant, on apprend également que « le taux de réussite des projets dans le domaine des sciences de la vie est très faible, puisque moins de 10% des projets atteignent le marché ». Dès lors, il semble peu probable que les investissements publics permettent réellement de créer des emplois stables.

Renforcer la marchandisation de la science
Parmi les objectifs de la fondation Eclosion, on retrouve notamment le fait de « sensibiliser la communauté scientifique aux différents aspects liés à la valorisation de la recherche et à la création d’entreprises ». Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une privatisation des connaissances scientifiques. Les innovations qui sont avant tout « incubées » dans les entités publiques de recherche – l’université en premier lieu – sont ainsi appelées à prendre la forme de marchandise dont les bénéfices seraient privés. C’est pourtant l’Etat qui assume l’essentiel des coûts : d’abord grâce à la formation, ensuite en finançant la recherche et finalement en subventionnant les start-ups. Le soutien peut même se prolonger pour les quelques start-ups qui parviennent à se maintenir dans le temps. En effet, les rapports de gestion du Conseil d’Etat démontrent que ce sont très souvent des start-ups dans le domaine de la biotechnologie ou de la technologie médicale (le domaine d’action d’Eclosion) qui bénéficient des allègements fiscaux. Si les start-ups parviennent à se muer en entreprises lucratives en revanche, les gains seront intégralement privatisés.

Un cache-misère de la politique économique du Conseil d’Etat
L’incubation de start-ups fait donc office de projet phare du Conseil d’Etat genevois en matière de création d’emploi alors que la fiscalité est l’alpha et l’oméga de sa politique économique. Une autre politique est pourtant possible, notamment en matière de soutien et développement du tissu industriel. Plutôt que de miser sur des fondations opaques aux retombées incertaines, l’Etat pourrait effectuer des investissements ciblés dans des secteurs générant des emplois et répondant aux besoins sociaux ainsi qu’aux impératifs environnementaux. Il pourrait aussi participer directement à l’implantation de certaines activités industrielles. Ceci comporterait l’avantage majeur de la transparence, ce qui rendrait possible un véritable contrôle démocratique sur la politique économique de l’Etat. Car il s’agit d’une tâche essentielle, en particulier en période de crise. Quant à l’innovation, elle dépend avant tout de l’université qui souffre – comme toutes les entités publiques – des restrictions budgétaires accumulées depuis des années.

Un fonctionnement en question
Les risques de collusions d’intérêts sont bien réels au sein des incubateurs de start-ups. Ce n’est pas Ensemble à Gauche qui le dit, mais un député PLR ! En commission, celui-ci se questionnait notamment sur « les cautèles suffisantes pour prises pour éviter ces conflits d’intérêts ». La fondation Eclosion en particulier a suscité de vives inquiétudes. Elle a d’ailleurs été auditée par le service d’audit interne (SAI) dont les conclusions ont suffisamment préoccupé la commission de contrôle de gestion pour qu’elle se saisisse du sujet. La commission a visiblement jugé que les doutes étaient sérieux en ce qui concerne la gestion d’Eclosion, puisqu’elle a transmis le dossier au ministère public. Alors que les activités d’Eclosion sont appelées à être reprises par la FONGIT, il est légitime de se demander si des garanties existent pour un fonctionnement sans conflit d’intérêt. C’était d’ailleurs l’avis de la majorité de la commission des finances qui avait gelé ce projet de loi dans l’attente des conclusions de la commission de contrôle de gestion. Celles-ci ne sont jamais arrivées et la commission a voté le projet de loi, oubliant subitement ses doutes antérieurs. Un député socialiste a pourtant proposé qu’un retour régulier soit fait à la commission des finances concernant l’intégration d’Eclosion, l’utilisation des fonds et la nature des projets subventionnés. Mais cette proposition a essuyé un refus cinglant de la droite.