Serpent de mer, la question des nuisances causées par les vendeurs itinérants de stupéfiants [j’évite à dessein le mot de dealer, fortement péjoratif] a une fois de plus refait surface au Grand Conseil. Entre une pétition d’habitants du quai du Seujet exaspérés qui veulent déloger les dealers, et une motion du MCG qui demande à la police d’appliquer de prévenir et réprimer le trafic, on peine à voir se dessiner une solution raisonnable. Voici quelques pistes à explorer.

Les objets déposés par le MCG et l’UDC (M 2410), et souvent aussi les pétitions d’habitants de quartiers dans lesquels le vendeurs et acheteurs de stupéfiants se retrouvent jour et nuit (P 2067), ont un point commun : ils demandent l’application de la loi, et jugent qu’il est possible de mettre en terme au commerce de stupéfiants en emprisonnant systématiquement les vendeurs et les acheteurs.

La réalité du terrain démontre l’inanité de ce point de vue. Depuis des années, la politique de prohibition a fait la preuve de son inefficacité. A l’inverse, la politique de prévention et de soutien aux toxicomanes a permis d’une part de limiter la croissance de la consommation, d’autre part d’éviter les atteintes irréversibles à la santé des consommateurs, et parfois d’aider ceux-ci à sortir, provisoirement ou définitivement, de leurs dépendances.

Mais il est vrai que les politiques actuelles n’ont pas réussi à limiter ce qui pose problème à une partie de la population genevoise : les nuisances causées par ce commerce, soit essentiellement du trafic et du bruit nocturne. Quand bien même certains habitants sont manifestement animés par un racisme inadmissible dans leur description de ces nuisances, il faut admettre que les nuisances existent, et que l’Etat est incapable de les limiter.

La marge de manœuvre du canton est très étroite, puisque le droit fédéral prescrit la répression. La meilleure solution nous semble être de traiter ces nuisances pour ce qu’elles sont, à savoir des problématiques de bruit et d’utilisation de l’espace public. Dans le cadre d’un commerce licite, l’Etat ou les communes peuvent assez facilement encadrer les activités pour en limiter les nuisances – ainsi par exemple, les food-trucks ont des horaires à respecter, doivent assurer la propreté des lieux, et ne peuvent pas vendre de l’alcool à les individus éméchés. Mais, du fait que les stupéfiants sont illicites, il est particulièrement difficile de réglementer leur vente. La police peut chasser les vendeurs de certains lieux, mais ne peut pas, officiellement du moins, les autoriser à vendre dans d’autres lieux.

C’est pourtant dans ce sens qu’il faut travailler, sans attendre une évolution du droit fédéral, qui est improbable à court terme. Nous invitons nos autorités à prendre le taureau par les cornes, et à mettre en œuvre, localement, une réglementation de la vente dans la rue. Limiter cette activité à des heures déterminées, tenter de la limiter à des zones dans lesquelles les nuisances sonores et de trafic seront contenues, réprimer toute consommation de stupéfiants dans l’espace public, et élaborer des solutions pour faciliter la cohabitation entre vendeurs, acheteurs, et habitants. Il y va de la qualité de vie dans les zones affectées par cette problématique.