Le Grand Conseil s’est penché sur quatre textes issus des bancs du MCG et de l’UDC. Tous se situent dans la même veine de la préférence cantonale, de cette forme d’isolationnisme, qui voudrait le beurre et l’argent du beurre, le développement économique sans certains de ses acteurs incontournables : les travailleurs-euses frontaliers. La motion, et les projets de loi du même tonneau, traités simultanément, affichent des titres nauséabonds : « Instaurons une préférence cantonale pour les PME Genevoises », « Genève d’abord », « Pour une politique de préférence nationale selon le principe « les nôtres avant les autres » » et enfin « garantissons la priorité à l’emploi des résidents sur le territoire suisse avant la délivrance de tout permis de travail frontalier ». Ces quatre textes ont été sévèrement commentés et au final retoqués sans états d’âmes par une écrasante majorité du parlement.

 Au motif de reprendre des préoccupations légitimes, telle la lutte contre la sous-enchère salariale qui fait d’ores et déjà l’objets de négociations entre partenaires sociaux – et dont certaines sont en passe d’être introduites dans la règlementation du travail, notamment dans le règlement des marchés publics (RMP) et dans la loi sur l’accord intercantonal sur les marchés publics (L-AIMP) – les auteurs des quatre textes profitent de réaffirmer leur crédo de la préférence cantonale. Ils font de cette affirmation la panacée contre toutes les difficultés auxquelles notre canton est confronté sur le marché du travail et sur le plan économique. 

Ce postulat constitue un non-sens, qui nie la réalité et la complexité des mécanismes économiques. Il occulte sans vergogne les interactions qui existent entre les régions et leurs composantes. Qui plus est, il va à l’encontre de la libre circulation des personnes

La préférence cantonale est un leurre. Elle ne permet pas de lutter efficacement contre le chômage. Elle oppose simplement les travailleurs les uns aux autres, leur faisant porter la responsabilité de phénomènes économiques qui ne leur incombe pas. Elle désigne des boucs émissaires alors que les véritables coupables de la détérioration du marché du travail et des dégradations des conditions de travail – Les milieux économiques et financiers – continuent à tirer leur épingle du jeu.

Les auteurs des projets de loi et de la motion en question tentent de nous faire croire que les travailleurs sont simplement interchangeables, que la course à la main d’œuvre meilleur marché n’est pas en cause, et que Il n’y a qu’à…..remplacer les frontaliers par des demandeurs d’emplois résidents.

Or, à l’évidence les choses ne sont pas si simples. Donner une priorité aux chômeurs : très certainement, bannir les frontaliers indubitablement non.  Le recours aux frontaliers par l’économie genevoise n’est de loin pas une entreprise philanthropique.  Il faut considérer que le nombre d’emplois disponibles à Genève est bien supérieur au nombre d’actifs résidents sur le territoire. Comme l’indiquait une syndicaliste lors des auditions : « Le canton de Genève n’a pas un problème d’immigration. Il est en revanche confronté à un problème de réglementation du droit du travail, qui ne protège pas suffisamment les salaires et à problème de répartition des richesses ».

Au chapitre des réponses simplistes proposée par ces textes et par l’un d’entre eux plus précisément, on trouve l’argument de faire sortir des gens de l’aide sociale en leur proposant les postes actuellement occupés par des frontaliers. Ceci sans prendre en compte le fait que 48 % de la population à l’aide sociale n’a pas de formation.

En réalité, hors de la démagogie dans laquelle se sont malheureusement complu les divers orateurs du MCG et de l’UDC  –  à qui le hasard du calendrier parlementaire a servi sur un plateau une tribune électorale – si l’on veut réellement répondre aux besoins de la population genevoise, il faut avant toute autre chose : protéger et développer l’emploi.

L’état doit s’engager activement dans la lutte contre la dérégulation du marché du travail, Il doit tout autant développer l’accès à la formation et favoriser les reclassements professionnels.  Il doit engager une réflexion prospective tant en matière de gestion du chômage que de développement économique.

Le groupe EàG se refuse à se prêter à cette manipulation de la réalité, à cette désignation de boucs émissaires. Il estime indispensable de renforcer la lutte la sous-enchère salariale et protéger les conditions de travail.  Il reste fermement convaincu qu’il faut protéger les salaires et non pas les frontières. C’est pourquoi, convaincu que ce n’est pas en érigeant des murs aux frontières de notre canton que nous répondrons aux besoins de la population, il a rejeté avec force la motion et les trois projets de loi du MCG et de l’UDC.

Jocelyne Haller