Le Grand Conseil a voté une motion demandant à l’Etat de soutenir transitoirement l’université, afin de poursuivre l’expérience développée en 2021 de repas équilibré à CHF 3.- le temps qu’elle puisse d’ici une année mettre en place un système de repas bon marché pour les étudiant.e.s de l’UNI et de la HES-SO. Si cette motion inspirée par la situation difficile dans laquelle se trouve nombre d’étudiant.e.s qui ont vu les emplois ou les soutiens qui leur permettaient de vivre disparaitre en raison de la crise Covid a été acceptée ; cela n’a pas été sans susciter un affligeant débat.
Au cours de ces derniers mois nombre de personnes se sont montrés sensible à la détresse des jeunes adultes dont les conditions de vie et la santé mentale ont été très fortement ébranlés par les incidences de la crise Covid. Beaucoup de jobs étudiant ont disparu. Ils ont été les premiers à passer à la trappe. Or, ils étaient pour beaucoup le complément indispensable à une bourse pour pouvoir mener ses études. Pour d’autres c’est l’aide de leur famille qui a été affecté lorsque celles-ci se voyaient confrontées à une situation de chômage ou d’une situation de réduction de l’horaire de travail (RHT) avec une réduction de 20 % de salaire. Un repas bon marché accessible sur leur lieu de formation leur permettait de bénéficier au moins d’un repas équilibré par jour. Ce qui s’inscrit de surcroît dans une perspective de santé publique.
Une dépense évaluée à 1million 600 000 pour l’année académique 2021-2022 pour une mesure d’aide ciblée pour des étudiants précarisés par la crise sanitaire. Une paille au regard des dépenses occasionnées par la crise Covid. Mais visiblement, c’était encore trop pour ceux qui sans sourciller ont accepté des dépenses de dizaines, de centaines de millions d’aide à fonds perdus pour les entreprises.
Ceux-là ont touché le fond de la mauvaise foi, en disant qu’il fallait revenir sur terre, que l’aide requise ne se justifiait pas, que cela ne marchait pas comme cela ! Que ces étudiants étaient pris en charge par ailleurs de toutes façons. On se demande bien par qui ? Que d’autre personnes touchées par la crise n’étaient pas aidées et qu’ils.elles ne voyaient pas pourquoi aider les étudiants plutôt que d’autres catégories de gens. Cela étant, on ne les a pas entendu proposer des aides pour d’autres catégories de victimes de la crise sanitaire.
En la matière la palme revient incontestablement à l’un des membres du PLR qui n’a eu de cesse depuis le début de la première vague de plaider en faveur d’une aide aux entreprises « précarisée » par la crise Covid et qui a eu l’incommensurable culot de déclarer, après nous avoir prédit une « imminente reprise » qui rendrait inutile cette proposition de soutien aux étudiants, « qu’il en avait marre d’entendre parler de précarité au Grand conseil ! » Une déclaration qui a déclenché une profonde indignation d’une grande partie du Parlement. Il lui a été rétorqué qu’une telle déclaration était insane, que s’il fallait avoir marre de quelque chose ce n’était pas d’entendre parler de la précarité, mais de la précarité elle-même ! D’autant que de refuser d’entendre parler de la précarité ne la fera pas disparaitre par enchantement, qu’elle constituait une tenace réalité qu’il incombait aux autorités – dont fait partie le Parlement – de la combattre, de travailler à l’éradiquer.
Au final, cette motion a été votée, ce qui constitue un acquis pour les étudiant.e.s concerné.e.s, mais les masques sont tombés. Certains député.e.s ont clairement démontré que leur mansuétude à l’égard des victimes de la crise Covid ne vaut que lorsqu’il s’agit des entreprises. Dès que cette crise affecte la population, des individus, alors là plus de compassion, plus de prise en compte des dommages causés par la crise sanitaire. Qu’elle se débrouille ! qu’ils se décarcassent pour survivre ! Que le système absorbe ces nouveaux besoins avec les montants dévolus à la couverture des anciens, avec des budgets insuffisants ! Il n’empêche que cette motion a passé la rampe. Quant aux chantres du libéralisme effréné, nous les attendons de pied ferme pour le débat budgétaire, qui ne manquera pas de les confronter aux nouveaux besoins de la population.
Jocelyne Haller