La crise Covid est une calamité dont nous n’avons pas fini de mesurer les conséquences. La crise sanitaire, économique et sociale qui en résulte a notamment agit comme un révélateur des inégalités sociales, un exhausteur des injustices sociales. C’est le cas pour les files d’attente de la honte qui sont venues secouer « les bonnes consciences » qui s’accommodaient jusqu’ici sans trop d’états d’âme de ce que les acteurs de terrain dans leur manifeste de 2013 appelaient : « La Genève escamotée ».

Depuis, la pauvreté et la précarité n’ont cessé de croitre. Les associations œuvrant sur le terrain travaillaient avec acharnement à trouver des solutions. Elles négociaient pied à pied pour mettre en place des solutions d’hébergement respectueuses des personnes et ouvrant sur des perspectives. Mais les avancées restaient modestes face à l’ampleur des besoins. Puis la crise covid a là-encore joué un triste rôle d’accélérateur. Mais, à son actif, elle n’a pas seulement largement accentué le nombre de victimes de la pauvreté, mais elle a aussi obligé les autorités à agir.

L’impératif sanitaire est donc là venu servir la politique sociale, la plus légitime humanité.  Le couvercle a sauté, et certaines mesures ont enfin été prises. Elles sont bienvenues, mais elles devraient perdurer au-delà de la crise Covid. Ces besoins, cette détresse, lui préexistaient. Ils ne disparaitront pas du paysage social avec la fin de la crise. Leur nombre diminuera, mais leur essence demeurera. Dans ce contexte la mesure prise en novembre dernier par le Grand conseil débloquant un montant de 1,4 millions pour loger à l’hôtel 155 personnes durant la période hivernale prend tout son sens. A plus forte raison, qu’elle se doublait d’un soutien à une partie du secteur de l’hôtellerie particulièrement en souffrance en ces circonstances. Un hébergement, qui plus est, se doublait d’un accompagnement individuel destiné à aider les personnes en question à élaborer un projet leur permettant d’échapper à leurs difficultés. Or, la période hivernale arrivait à sa fin. Certaines autres structures d’hébergement allaient fermer leurs portes alors que le besoin d’hébergement restait toujours aussi nécessaire. C’est pourquoi, lors de cette dernière session le Conseil d’Etat a proposé un nouveau projet de loi pour réallouer un nouveau crédit de 1,4 millions au Collectif d’associations pour l’urgence sociale (CausE) afin de prolonger l’expérience initiée en novembre 2020, du 1er juin au 31 octobre 2021. Un répit indispensable pour ceux qui sans cela en serait réduit à retourner ou à rester dans la rue. Une continuité qui a du sens et qui ne devrait pas même poser question.

Notre groupe a voté successivement ces deux crédits. Il estime toutefois qu’il est temps d’en finir avec ces politiques publiques construites au jour le jour ou sous la pression des circonstances. Mais encore faut-il qu’elles soient cohérentes et répondent réellement aux besoins des populations concernées. Ainsi, le crédit que nous avons voté ne concernait que la couverture des frais d’hébergement. Les coûts inhérents à l’accompagnement social indispensable, les frais de nourriture et d’infrastructure étant quant à eux couverts par un financement privé. Ce qui interpelle à plus d’un titre lorsqu’il s’agit de couverture de besoins de la population et du déploiement d’une politique publique.

Une réflexion s’impose à cet égard puisque parallèlement, l’arlésienne de la répartition des tâches au sujet de l’hébergement d’urgence entre les Communes et le Canton semble pointer son nez. En effet, après des années d’immobilisme, une percée semble se profiler. Le Conseil d’Etat, après concertation avec l’association des Communes genevoises, a déposé un nouveau projet de loi, le PL 1291, relatif

à l’aide aux personnes sans abri. Il s’agira en l’occurrence de faire en sorte que les débats autour de ce texte prennent véritablement en considération l’entier des besoins qu’implique le développement de cette prestation. Nous serons au rendez-vous, d’autant plus qu’un autre projet est en suspens devant la commission des affaires communales, régionales et internationales, Le PL 12631 initié par Pierre Bayenet, membre de notre groupe, traitant de la même problématique. Il propose un financement équitable par les communes des mesures nécessaires pour assurer que chaque femme, chaque homme et chaque enfant dans le besoin bénéficie d’un hébergement dans un lieu adapté. Une affaire à suivre attentivement nous n’y manquerons pas.

Jocelyne Haller