Depuis le premier mars, les demandeurs-euses d’asile sont soumis à une nouvelle mesure. Non content d’obliger toutes les deux semaines (voire toutes les semaines ou tous les deux jours) les migrant·e·s au bénéfice de l’aide d’urgence à se rendre à l’Office de la population et des migrations (OCPM), le Département de la sécurité et de l’économie exige désormais qu’ils se présentent auparavant, dans la même journée, à l’aéroport de Cointrin auprès du Service asile et rapatriement de la police internationale (SARA). Ensemble à Gauche a travaillé à la construction d’un front à gauche (EàG-PS-Verts) afin qu’un projet de motion visant à mettre un terme à cette nouvelle mesure puisse être déposé au Grand Conseil. Le traitement en urgence de cette motion sera demandé lors de la prochaine session du Grand Conseil.

Une mesure illégale
Outre la dimension absurde de cette démarche, qui oblige les individus à traverser le canton, il faut souligner son illégalité. En effet, le règlement d’exécution de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle précise dans son article 30 que seule l’OCPM est en charge d’établir le contrôle des documents. De plus, la police et l’OCPM exécutent de fait une tâche parfaitement identique. Si les fonctionnaires y perdent leur temps, c’est également le cas des personnes concernées par ces aller-retours, qui incluent la sortie des enfants de l’école durant au minimum une demi-journée ! De plus, nul ne peut ignorer ce que représentent la police d’une part et l’Aéroport de l’autre pour des individus ayant survécu au péril de leur vie. L’effet sur les demandeurs et demandeuses d’asile de ce passage obligé vers la police, à l’aéroport qui plus est, est déjà visible : plusieurs d’entre eux·elles ont d’ores et déjà cessé d’aller chercher leur argent auprès de l’Hospice général et de se rendre dans leur foyer. A ce jour, la « Coalition article 12 », composée de 50 organisations, n’a reçu qu’un simple accusé de réception du Conseil d’Etat à sa lettre envoyée le 15 mars pour demander l’annulation de cette pratique.

Une mesure inhumaine
Suite à une conférence de presse organisée par la « Coalition article 12 », M. Poggia, ministre de tutelle de l’Hospice général (HG) avait quant à lui garanti à la presse que l’HG délivrerait l’aide d’urgence, même en l’absence des tampons. Dans les faits, une personne s’est pourtant vue refuser l’aide d’urgence au motif qu’elle n’avait pas les deux tampons. Ce n’est qu’une semaine plus tard et après plusieurs aller-retours entre l’HG et l’OCPM, que cette personne a finalement reçu sept jours d’aide d’urgence, sans octroi rétroactif. Parallèlement aux démarches juridiques et politiques engagées par la « Coalition article 12 », des permanences de la société civile au SARA sont régulièrement tenues. Elles visent à garantir un accompagnement aux personnes trop effrayées de s’y rendre seules. Les premiers témoignages sont alarmants. Le mardi 3 avril, alors que les locaux du SARA devaient être ouverts à 7h30, un mot était posé sur la porte annonçant l’ouverture à 10h00. La raison? Les policiers chargés de faire le tampon avaient été appelés sur un vol spécial. Ce n’est que suite à une intervention des membres de la coalition que l’OCPM a été informé de ce contretemps et a garanti l’ouverture prolongée de ses guichets pour permettre aux personnes concernées d’obtenir le second tampon requis. Aucune information n’avait par ailleurs été transmises aux personnes concernées, contraintes d’attendre 2h30 à l’extérieure de l’Aéroport.

Un chantage à l’aide d’urgence
Rappelons également le caractère profondément dégradant que représente l’obligation administrative pour les migrant·e·s de se rendre à l’OCPM (et à présent à l’aéroport) où ils·elles courent le risque d’être séquestrés puis renvoyés dans un autre pays. En effet, le canton de Genève se sert d’une procédure administrative, nécessaire pour toucher les 10 CHF par jour auxquels chacun·e a légalement le droit de prétendre (aide d’urgence), pour arrêter les demandeurs et demandeuses d’asile lorsque les autorités estiment que l’heure du renvoi a sonné. L’objectif de cette mesure bureaucratique est clair, comme le démontre l’explication donnée dans une lettre par le responsable du secteur asile de l’OCPM aux partenaires de terrain : « En raison des difficultés rencontrées par les autorités cantonales chargées de la mise en œuvre des renvois prononcés par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), notamment dans la localisation des personnes concernées, il a été décidé de modifier la procédure d’obtention des prestations d’aide d’urgence…». Il y a fort à craindre par ailleurs que la nouvelle pratique et les inquiétudes légitimes qu’elle génère ne contraignent des requérant·e·s concernés à renoncer à l’aide d’urgence et à vivre les affres de la clandestinité. Ce qui est anticonstitutionnel et contraire au principe d’humanité.

Il faut en finir avec cet inacceptable chantage à l’aide d’urgence !