Alors que la pandémie continue de faire des ravages à travers le monde et que des milliards de personnes à faible revenu n’ont toujours pas accès à la vaccination, la Suisse ne participe que très timidement à la solidarité internationale, via COVAX notamment. Le Conseil fédéral préfère consacrer son énergie à aider les groupes pharma dans leur pratique d’évasion fiscale. Ensemble à Gauche interpelle le gouvernement à ce sujet. Miguel Urbán Crespo, député européen de l’Etat espagnol, a également déposé une question au Parlement européen visant à interpeller la Commission européenne sur des pratiques qui s’assimilent selon ses propres termes à de l’escroquerie.

Depuis deux ans, Moderna a patiemment noué des liens avec la Suisse. En mai 2020, Moderna et Lonza, une société basée en Suisse, annonçaient une collaboration stratégique visant à « permettre la fabrication mondiale à plus grande échelle par Lonza du mRNA-1273 et d’autres produits Moderna à l’avenir ». En septembre de la même année, la Suisse était le premier pays à accueillir un centre régional et une organisation commerciale Moderna hors des Etats Unis.

Cette année, dans son contrat avec la Commission Européenne, la firme Moderna a exigé de recevoir les fonds destinés au paiement de ses vaccins livrés à l’Union européenne en Suisse, dans le canton de Bâle. Moderna y a en effet fondé fin juin 2020 Switzerland GmbH et profitera ainsi des effets de la baisse massive de la fiscalité des entreprises (RFFA) pour payer des impôts ridiculement bas. Tout ceci en dépit du fait que Moderna (comme Pfizer) a mis au point son vaccin en profitant largement de fonds publics, essentiellement étasuniens…

Pour les pharmas, c’est du win-win-win !
En effet, ce sont des institutions publiques qui ont développé les recherches de base utilisées pour élaborer des vaccins à ARN messager. Moderna Switzerland GmbH ne semble pas avoir participé activement à la mise au point du vaccin, ni à sa production. Elle a en fait sous-traité une partie de la production à la société Lonza. De plus, Moderna a reçu plusieurs milliards de dollars de subventions pour finaliser son vaccin et prévoit un chiffre d’affaires de 18,4 milliards de dollars en 2021 (et un profit de 8 à 10 milliards de dollars).

L’entreprise vend ses doses 15$ aux USA et 22,50$ dans l’Union européenne. En permettant à la firme Moderna d’échapper aux impôts de nos voisins de l’UE, la Confédération leur fait un tort considérable et assure à cette multinationale une aide publique supplémentaire, alors que le programme COVAX, financé par les États, lui achète encore des millions de doses. Pour qu’une campagne de vaccination de masse soit possible et crédible, il faut lever les patentes sur les vaccins et faire cesser immédiatement ce scandale !

Le Conseil fédéral nous doit la transparence
Déjà interpellé par Ensemble à Gauche au sujet de ses accords avec Moderna il y a quelques mois, le Conseil fédéral annonçait qu’il ne pouvait dévoiler le contenu des accords avec les fabricants pour des « raisons tactiques » liées aux « négociations ». Voici les questions que notre conseillère nationale Stefanie Prezioso a posées au gouvernement. Réponse d’ici la session d’hiver…

  1. Le conseil fédéral a conclu un accord avec Moderna pour l’approvisionnement de millions de doses de vaccin mRNA-1273. Est-il en mesure de dévoiler le contenu de ces accords ? Sinon pourquoi ?
  2. Le Conseil fédéral a refusé jusqu’ici de révéler le prix convenu avec Moderna pour l’achat du vaccin par la Suisse. Est-il en mesure de le révéler aujourd’hui comme les Etats-Unis ou l’Union Européenne ? Sinon pourquoi ?
  3. L’accord passé avec la commission européenne par Moderna s’apparente à de l’évasion fiscale de milliards de dollars pour nos voisins européens. Le Conseil fédéral ne considère-t-il pas que cela va à l’encontre de l’objectif qu’il s’est fixé, selon ses propres termes, en réponse à ma motion 21.3150, de s’engager « en faveur d’un accès mondial équitable, abordable et rapide aux vaccins, médicaments et diagnostics contre le COVID-19 » ?