Dans le sillage de l’affaire Maudet, nous avions déjà fait passer un projet de loi précisant le serment des conseillers-ères d’Etat, qui devront promettre à l’avenir de «de ne solliciter, ni d’accepter, […] ni directement, ni indirectement, aucun don, avantage ou promesse en raison de ma fonction et de ma situation officielle.» Le Grand Conseil a adopté, lors de cette session-ci, un proposition de loi plus concrète et contraignante – de Pierre Bayenet – visant à matérialiser légalement cette exigence… d’«un exercice éthiquement irréprochable des plus hautes fonctions de l’État» pour reprendre le titre du projet de loi. Celui-ci a été accepté, par une très large majorité, malgré l’opposition incongrue du PDC et de l’UDC.

Pourtant, le projet initial avait été considérablement affadi, pour ne pas dire affaibli, par un amendement général… du Conseil d’État lui-même, reprenant telles quelles les règles que s’est fixé, en la matière, le gouvernement fédéral dans une ordonnance fédérale.

L’interdiction de recevoir des dons vaut «dans le cadre des fonctions» des magistrats concernés, formulation relativement ambigüe qui ouvre la porte à une interprétation littérale, selon laquelle le cadeau ne pourrait pas être accepté pendant que le magistrat est en train d’exercer sa fonction. Ainsi, selon cette interprétation, un magistrat pourrait accepter un cadeau pendant qu’il est «hors-service»…

Nous avons proposé de reprendre plutôt la formulation de l’art. 25 RPAC (le règlement applicable au personnel de l’administration cantonale). Celui-ci dit les choses ainsi: il est interdit aux membres du personnel et de l’administration «d’accepter pour eux-mêmes, ou pour autrui, des dons ou d’autres avantages en raison de leur situation officielle». C’est plus précis et – en outre – le fait que les magistrats soient soumis à la même règle que leurs subordonné·e·s est symboliquement fort.

Un maximum de 100 francs, comme pour les employé·e·s !
Nous avons proposé également que soient admis «l’acceptation d’avantages de faible importance conformes aux usages sociaux» mais en leur fixant une limite précise de 100 Fr. sur laquelle les magistrats puissent s’appuyer pour refuser des cadeaux disproportionnés.

Enfin, nous avons proposé que les dons reçus par des magistrat·e·s en exercice soient restitués à L’Etat… pour matérialiser le précepte que «bien mal acquis ne devrait jamais profiter».

Ces trois amendements raisonnables, proposés et défendus par Pierre Vanek dans un rapport ad hoc, n’ont pas été acceptés, même à gauche, pour des raisons que nous peinons à comprendre. Le PS et les Verts seraient-ils pour des cadeaux dépassant 100 francs… mais à quel niveau alors? …seraient-ils pour que les magistrats ayant «touché» soient dispensés de rendre gorge? …pour que les magistrat·e·s ne soient pas soumis aux mêmes règles que le personnel?

Sans doute pas… alors pourquoi diable avoir refusé nos amendements? Mystère et boule de gomme.

Quoi qu’il en soit: grâce à Ensemble à Gauche, le canton a désormais une loi qui proscrit l’octroi de dons ou avantages aux magistrats, une protection modeste de plus, notamment contre les infractions d’acceptation et d’octroi d’un avantage (322 quinquies du CPS) visant à réprimer les manœuvres d’« alimentation progressive » (Anfütterung) ou d’« entretien du climat » (Klimapflege) visant à influencer favorablement et de façon générale un agent public.