Pendant longtemps, on ne parlait pas de menstruations. C’étaient des histoires de femmes, des questions qui relevaient de l’intime. Des choses dont on ne parlait pas. Les parlementaires sans doute moins que les autres ! Pourtant, la motion pour des protections hygiéniques gratuites et en libre accès au sein du grand Etat a forcé les député.e.s à lever le voile sur cette problématique. Une amendement général proposé par une députée PDC a malheureusement largement réduit le champ de cette motion en le limitant aux établissements scolaires du secondaire I et II. Ainsi modifiée la motion a été acceptée mais la problématique de la précarité menstruelle reste posée pour toutes les femmes qui ne fréquentent pas ces établissements.
Aujourd’hui, on s’est quelque peu affranchi de la pudibonderie et des volontés de contrôle qui prévalait autour du corps des femmes, et de ce pouvoir singulier qu’elle détenait exclusivement, celui de la procréation. Alors oui, on parle de menstruation, de règles. On ose même parler de précarité menstruelle et affirmer que les produits menstruels sont incontestablement des produits de première nécessité.
Leur difficulté d’accès pour certaines femmes, leur absence sont une atteinte à la dignité des femmes, elles sont des facteurs d’exclusion, de décrochage scolaire, de risques en matière de santé.
Dans le monde, jusqu’à 500 millions de personnes vivent dans la précarité menstruelle. En Suisse, au regard de la loi sur la TVA, les protections menstruelles font partie de la catégorie de produits de luxe, et sont donc taxées à hauteur de 7,7%. L’an dernier le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de révision de cette loi dans laquelle les protections menstruelles passeraient dans la liste des produits essentiels et ne seraient plus taxés qu’à hauteur de 2,5%. Enfin ! Mais encore faudrait-il transformer l’essai !
La motion ne demande pas que l’on paie aux femmes leurs serviettes hygiéniques, mais de faire en sorte qu’il y en ait à disposition dans les toilettes pour faire face à l’arrivée inopinée de règles ou à l’absence de moyens pour y faire face. Il s’agit d’entreprendre toutes les démarches nécessaires pour que des protections périodiques gratuites (tampons et serviettes hygiéniques notamment) soient librement accessibles dans toutes les toilettes des bâtiments de l’Etat et des établissements publics autonomes, et en priorité de ceux fréquentés par des populations dites vulnérables.
Lors des travaux de la commission, il a été reproché à cette motion de vouloir d’infantiliser les femmes, d’introduire une prise en charge étatique dans un domaine où la responsabilité individuelle, devrait, selon la majorité de la commission, prévaloir. Nous sommes convaincu.e.s qu’évoquer la précarité menstruelle, militer en faveur d’un accès facilité à des produits hygiéniques dans les bâtiments publics ou de leur gratuité pour des personnes en situation de précarité : « n’est pas une question de responsabilité individuelle, c’est une question politique touchant aux rapports structurels de genre. C’est aussi une manière de faire face à une inégalité sociale.
A New York, au Canada les serviettes hygiéniques sont disponibles dans les toilettes. En France, le gouvernement annonçait qu’en 2020, il distribuera gratuitement des protections hygiéniques pour les femmes précaires. Enfin plus près de nous, en avril 2021, la presse nous informait que les communes du Grand-Saconnex et de Meyrin allaient offrir serviettes et tampons dans les toilettes de leurs bâtiments communaux.
Alors que le problème se pose aussi chez nous, si tous ceux-là le peuvent, pourquoi n’y parviendrons-nous pas ? Aussi, pour ancrer dans les mentalités le fait que les règles ne sont pas un secret plus ou moins honteux que doivent assumer exclusivement les femmes, mais que c’est une fonction naturelle, l’un des piliers sur lesquels repose rien de moins que la qualité de vie des femmes et la perpétuation de notre espèce, notre groupe défendait l’acceptation de la M 2582. Malheureusement, l’amendement PDC, que nous avons refusé, est venu restreindre largement la portée de celle-ci. Au final nous avons voté ce texte amoindri, mais nous avons un autre texte à l’ordre du jour qui nous permettra de remettre cette question de la précarité menstruelle sur le métier.
Jocelyne Haller