La majorité de droite du Grand Conseil a rejeté ce soir (22.11.2018) 10 projets de loi qui prévoyaient de limiter ou de supprimer le bouclier fiscal. Cet outil fiscal permet aux contribuables les plus fortunés de se soustraire à la progressivité de l’impôt. Ainsi, les plus riches participent proportionnellement moins à la solidarité que le reste des citoyen-ne-s. Malgré le caractère profondément injuste de ce dispositif, la droite a plaidé sans relâche en faveur du maintien des privilèges des privilégiés et l’a emporté.

Une abrogation socialement juste et politiquement souhaitable
L’abrogation du bouclier fiscal, introduit en 2011, est non seulement socialement juste, mais elle est politiquement souhaitable. De plus, cette abrogation ne ferait pas fuir massivement les privilégiés, contrairement à ce qu’a affirmé la droite tout au long du débat. En effet, dans les quatre ans qui ont précédé l’introduction du bouclier fiscal, de 2006 à 2010, le nombre de contribuables déclarant une fortune égale ou supérieure à 5 millions de francs a crû de +14% (de 2081 à 2415), c’est-à-dire au rythme moyen annuel de +3,3%, ce qui démontre que la fiscalité genevoise était tout sauf « confiscatoire » à leur égard. L’introduction du bouclier fiscal a dès lors permis à ce taux de croissance de doubler dans les quatre années suivantes, de 2010 à 2014, période durant laquelle il a atteint +30%, les contribuables déclarant une fortune égale ou supérieure à 4 millions passant de 2415 à 3149, ce qui traduit un rythme de croissance annuelle exceptionnel de +6,6%.

Revenir au système en vigueur jusqu’en 2010
Avant la mise en place du bouclier fiscal, les grosses fortunes déclarées augmentaient donc déjà à un rythme soutenu, beaucoup plus rapide que celui du PIB cantonal. Ce nouveau dopage fiscal leur a permis de croître encore deux fois plus vite. Grâce au bouclier fiscal, les très gros contribuables du canton ont en effet bénéficié d’un rabais d’impôt total sur quatre ans de 350 millions, alors que ceux qui déclaraient une fortune inférieure à 5 millions n’ont pratiquement tiré aucun avantage de dispositif (14 millions en tout et pour tout).

En supprimant le bouclier fiscal, Ensemble à Gauche entend donc revenir au système fiscal qui prévalait jusqu’en 2010, et qui permettait déjà une augmentation et une concentration rapides des fortunes déclarées dans ce canton. Tout au contraire, son maintien ne fait qu’accélérer l’explosion des inégalités sociales, comme cela s’est vérifié de façon spectaculaire au cours de l’année 2017, où le total des fortunes privées déclarées dans ce canton (forfaits fiscaux non compris) a augmenté d’un montant de l’ordre de 10 milliards de francs !

Sortir d’un cercle vicieux dangereux
Nous sommes engagés dans un cercle vicieux extrêmement dangereux. En effet, plus les riches deviennent riches, plus ils tentent de se soustraire à une fiscalité progressive qui exigerait d’eux qu’ils paient plus d’impôts en raison de la croissance exponentielle de leurs ressources. Ceci d’autant plus que les collectivités publiques doivent en même temps répondre à une augmentation du nombre de pauvres, de précaires et de personnes fragiles, plus rapide que celle de la population en général, qui sollicite plus fortement les services publics et les prestations sociales.

La population subit dès lors un odieux chantage, dont nous sommes témoins une fois de plus aujourd’hui : soit vous acceptez que les privilégiés paient moins d’impôts, tant les personnes physiques (avec le bouclier fiscal ou la taxation partielle des dividendes) que les personnes morales (avec la réforme de l’imposition des entreprises), soit ils iront s’établir « sous des cieux plus cléments ». De plus, le droit fiscal suisse, loin de combattre ce dumping généralisé, l’encourage et le facilite, contrairement à ce qu’exige notre initiative Zér0 pertes, déposée par la gauche et les syndicats à l’instigation d’Ensemble à Gauche, au début de l’été dernier.

Céder à un tel chantage reviendrait à accepter une spirale fiscale descendante sans fin. C’est pourquoi, Ensemble à Gauche a invité en vain les député-e-s à abolir le bouclier fiscal. Par contre, EàG est confiant au sujet de l’issue du vote du 19 mai prochain sur RFFA. Les électrices et les électeurs du canton refuseront dans les urnes la baisse massive de l’imposition des bénéfices des entreprises, tant au niveau fédéral que cantonal, comme ils ont refusé la RIE III en février 2017.