La campagne contre les juges étrangers bat son plein. Si les arguments humanistes sont -à raison – largement mis en avant par ses adversaires, on ne saurait pour autant oublier que ce texte est avant tout une manière d’affaiblir nos propres droits.

En Suisse, il n’existe aucune juridiction constitutionnelle pour se prononcer sur les lois fédérales qui pourraient violer les libertés garanties par les droits fondamentaux. Le Tribunal fédéral est donc la seule instance de notre pays garante de l’application des lois fédérales ainsi que du droit international. Des traités internationaux signés par la Suisse, comme la Convention européenne des droits de l’homme ou les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), offrent néanmoins la possibilité de porter plainte à un échelon supérieur si des tribunaux suisses ou des décisions politiques violent le droit international.

Des gardes-fous nécessaires
Ces garde-fous, nécessaires pour lutter contre les discriminations se fondant sur l’origine ou l’identité sexuelle notamment, le sont également pour protéger les salarié-e-s dans un des pays les plus libéral du monde en matière de droit du travail. Saisie d’un recours concernant une victime décédée suite à l’exposition à de l’amiante dans le cadre de son travail, la Cour européenne des droits de l’homme a ainsi permis de faire évoluer la jurisprudence suisse.

Là où le Tribunal fédéral avait indiqué qu’il était impossible de juger un cas remontant si loin dans le temps, la Cour européenne statuait pour sa part que la prescription ne pouvait pas s’appliquer à des maladies qui ne peuvent être diagnostiquées que plusieurs années après les faits, obligeant les tribunaux suisses à revoir leur copie. De même, le recours aux instances de l’OIT a permis à l’Union syndicale suisse de faire reconnaître les lacunes du droit suisse en matière de protection contre les licenciements, notamment antisyndicaux, donnant lieu à une recommandation visant à prévoir la réintégration pour ce type de situation.

Un écran de fumée…
Dans la campagne en cours pour faire accepter l’initiative contre les juges étrangers, l’UDC se met dans un rôle de chevalier blanc, dénonçant la possibilité que des votations populaires soient remises en question par des principes issus du droit international. Les initiants agitent ainsi un prétendu diktat «droit-de-l’hommiste» pour créer un écran de fumée concernant leurs véritables motivations. Bien loin de permettre l’auto-détermination d’une majorité de la population, cette initiative sert en effet à la préservation des intérêts d’une minorité bourgeoise conservatrice. Au contraire d’offrir de la souveraineté, elle affaiblit les droits des personnes, en leur retirant des instances de recours pour défendre leurs droits les plus élémentaires.

A y regarder de plus près, l’UDC ne s’en cache d’ailleurs pas, elle qui indiquait par communiqué du mois de juin dernier que l’initiative pour l’autodétermination vise à combattre la surréglementation et à renforcer un régime économique libéral et avouait de fait son but de restreindre le nombre de principes à respecter. Voilà qui semble effectivement plus proche des intérêts réellement défendus par un parti ayant fait obstacle ces dernières années à tout progrès social pour les salarié-e-s de ce pays.

Au-delà des arguments humanistes, refuser l’auto-détermination version UDC c’est simplement refuser de se tirer une balle dans le pied.