La problématique de l’absence de protection des victimes dans les procédures administratives est ressortie crûment lors des auditions de femmes qui avaient subi des comportements inadéquats et illicites de la part d’enseignants. Ces femmes étaient entendues en qualité de témoins, sans pouvoir être accompagnée d’un avocat, sans avoir aucune idée du déroulement préalable de la procédure, sans pouvoir avoir accès aux pièces, sans pouvoir poser des questions à l’enseignant qui les avait agressées. Le Grand Conseil a adopté une demi-mesure, qui représente un progrès, insuffisant toutefois. EàG a proposé une amélioration pour le futur.

Autant le dire immédiatement, le sujet est très technique et difficile à cerner pour qui n’est pas un avocat rompu aux procédures judiciaires. Ce qu’il faut savoir, c’est que si (par hypothèse) un élève subit un acte illicite (par exemple à caractère sexuels), il dispose de diverses voies pour s’en plaindre : pour les actes les plus graves (attouchements, contrainte sexuelle, actes mettant en danger le développement, chantage sexuel, ou tout acte encore plus grave), l’élève peut déposer une plainte pénale et se plaindre par une dénonciation au DIP. En revanche pour les actes les moins graves (remarques occasionnelles déplacées, tout comportement inadéquat mais qui n’atteint pas la gravité d’une infraction pénale), l’élève peut uniquement se plaindre par une dénonciation au DIP. Enfin, il faut relever que le DIP peut ouvrir de son propre chef une enquête administrative (disciplinaire si l’enseignant est toujours en fonction) et entendre les victimes dans ce cadre, même si elles ne se sont pas plaintes.

Les victimes bénéficient d’une protection assez élevée dans le cadre la procédure pénale, avec un droit à l’avocat, cas échéant avec l’assistance juridique, à l’accompagnement d’une personne de confiance, à ne pas être confrontées directement à l’auteur des actes, à être interrogées par une personne du même sexe, à se constituer partie à la procédure ce qui ouvre encore de nombreux droits, notamment celui de consulter le dossier, de proposer des actes d’enquêtes, de poser des questions à l’accusé.

En revanche, les victimes n’avaient, jusque récemment, absolument aucun droit dans le cadre de la procédure dirigée par l’Etat-employeur contre ses employés, dans le but de déterminer si des sanctions (p.ex. blâme, avertissement, révocation) doivent être prises contre eux. Les victimes se trouvaient projetées seules dans une salle d’audience, confrontées à l’abuseur, questionnées par l’avocat de celui-ci, parfois avec les questions assez fourbes dont les avocats ont le secret. Les victimes n’ont dans ce cadre pas le droit de consulter le dossier avant d’être entendues, et n’ont pas non plus le droit de consulter elles-mêmes le dossier ou de poser des questions à l’abuseur.

Le projet du Conseil d’Etat, accepté le 7 juin 2019, améliore légèrement la situation en offrant aux victimes deux droits essentiels, par une modification de la loi de procédure administrative : grâce à ces modifications, les victimes ont désormais le droit d’être accompagnées d’une personne de confiance et d’un avocat, de refuser de répondre aux questions touchant à la sphère intime, de na pas être confrontées directement aux parties, et d’être informées de l’issue de la procédure.

Pour sa part, EàG estime qu’il faut encore renforcer nettement le statut des victimes en procédure administrative, en leur accordant, si elles le souhaitent, la qualité de partie. Elles pourraient ainsi participer pleinement à la procédure, notamment en proposant des actes d’enquêtes et en interrogeant l’employé de l’Etat visé. Une motion invitant le Conseil d’Etat à examiner cette possibilité de manière approfondie a été déposée récemment.

Pierre Bayenet