La Suisse a introduit dans sa législation le crime de disparition forcée le 1er janvier 2017, suite à la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Ce traité reconnaît la disparition forcée comme un crime contre l’humanité et impose aux Etats signataires l’obligation d’enquêter sur les actes de disparitions forcées et de traduire en justice leurs auteur-e-s. La Suisse ne connaît actuellement aucun cas de disparition forcée sur son territoire. Toutefois, son inaction concernant le cas du citoyen hevéto-chilien Alexei Jaccard, enlevé en 1977 à Buenos Aires, perdure malgré l’entrée en vigueur du traité international.

Stefanie Prezioso, Conseillère nationale Ensemble à Gauche, et Fabian Molina, Conseiller national socialiste, interpellent le Conseil fédéral.

Des cicatrices ouvertes
Lors de la transition démocratique au Chili, un pacte du silence lia les forces armées et les nouvelles autorités élues. L’impunité des tortionnaires de la dictature ne fut levée qu’au prix d’un très long combat des familles des victimes de violations de droits humains, des mouvements de gauche et de la solidarité internationale. Après tant d’années écoulées, le Chili est loin d’avoir suturé toutes ses cicatrises. La page des crimes de la dictature n’a pas pu être tournée : les complices civils et les grands acteurs économiques n’ont jamais été inquiétés, les militaires condamnés purgent leurs peines dans des conditions privilégiées et le négationnisme de la droite conservatrice reste d’actualité. Le soulèvement populaire d’octobre 2019 a également démontré que les forces de l’ordre, sous l’autorité du gouvernement central, continuent de violer systématiquement les droits humains.

Le cas Jaccard
Le 16 mai 1977, un étudiant suisse-chilien était enlevé en Argentine dans le cadre de l’Opération Condor, un plan régional mis en place par les dictatures du Cône Sud pour réprimer les opposant-e-s politiques avec le soutien tacite des États-Unis. Alexei Jaccard traversait l’Atlantique, sous couverture d’un voyage personnel, pour rejoindre des membres du Parti communiste chilien exilés en Argentine. Au lendemain de sa disparition, ses proches mettent sur pied un comité en vue de retrouver sa trace. Malgré les manifestations de soutien et les démarches diplomatiques, l’affaire piétine. Ce n’est qu’en 2007 que des témoignages ont établi son passage par le quartier général Simon Bolivar, un centre de torture et extermination de la police politique chilienne du général Pinochet.

Le Conseil fédéral interpellé
Des procès sur l’Opération Condor ont eu lieu en France, en Argentine, au Chili et en Italie. Nos pays voisins les ont enclenchés lors de l’arrestation de Pinochet à Londres en 1998. En août dernier, la justice italienne a dicté des sentences contre 14 anciens militaires du Chili et de l’Uruguay, accusés en raison de la disparition de 20 citoyens italo-latinoaméricains. De son côté, la Suisse n’a pas cherché à poursuivre les auteurs du crime contre Alexei Jaccard. La conseillère nationale Ensemble à gauche Stefanie Prezioso a interpellé le Conseil fédéral pour connaître les mesures actuelles du Conseil fédéral pour s’assurer que les auteurs-trices du crime contre Alexei Jaccard sont traduits en justice et demander aux autorités chiliennes les démarches entreprises pour la localisation de son corps. Fabian Molina, conseiller national socialiste, a pour sa part interrogé le gouvernement sur le rôle joué par la Suisse durant l’opération Condor en demandant notamment si le Conseil fédéral est disposé à ce que le rôle de la Suisse dans l’opération condor fasse l’objet d’une enquête indépendante.