Les rebondissements n’en finissent plus dans l’affaire Maudet. Malgré la gravité des faits reprochés à l’élu PLR et aux mensonges répétés de ce dernier, le Conseil d’Etat réuni jeudi soir a courageusement décidé de ne rien faire. Pierre Maudet continue donc d’assumer la présidence et reste en charge du département de la sécurité, alors même qu’une instruction est ouverte à son encontre. « Le magistrat chargé de la sécurité continue d’exercer son autorité sur la police qui enquête sur lui… C’est une véritable farce! », s’indigne Jean Batou, député EàG. « Face au mutisme du gouvernement, Ensemble à Gauche propose de modifier la loi afin qu’une telle situation ne puisse plus se reproduire. » Le groupe parlementaire dépose aujourd’hui deux projets de loi prévoyant une suspension automatique et temporaire de certaines compétences pour les élu-e-s prévenus d’un crime ou d’un délit dans une procédure pénale.

Un Conseil d’Etat irresponsable
Le Ministère public annonçait jeudi dernier vouloir entendre Pierre Maudet en qualité de « prévenu d’acceptation d’un avantage » dans le cadre de poursuites d’ordre pénal, demandant dans la foulée au Grand Conseil de lever l’immunité du magistrat PLR et mettant en évidence une série de mensonges de ce dernier. Suite à ces nouveaux éléments et jusqu’à ce jour, le Conseil d’Etat a jugé inutile de prendre des dispositions afin de dessaisir Pierre Maudet du département de la sécurité et de la gestion de l’aéroport, alors que de nombreuses voix d’observateurs du monde politique s’élèvent dans ce sens. « Face au triste spectacle offert par un Conseil d’Etat incapable de prendre ses responsabilités, à la complaisance de l’ensemble du gouvernement, le Groupe parlementaire réitère ses exigences contenues dans sa résolution 851 qui réclame que le conseiller d’Etat soit remplacé à la tête de la police et à l’aéroport le temps que durera l’enquête pénale liée à l’affaire Maudet », rappelle le député EàG.

Modifier la Constitution
Le premier projet de loi concerne la constitution. Cette dernière indique que le Conseil d’État « désigne parmi ses membres une présidente ou un président pour la durée de la législature » (art. 105, al. 2). Elle ne prévoit pas de possibilité de la/le remplacer en cours de législature. Pourtant, le département présidentiel dispose de compétences très étendues. « La simple énonciation de ces compétences conduit à se demander si un président du collège gouvernemental prévenu d’un crime ou d’un délit pénal, certes toujours présumé innocent, peut continuer à exercer de telles prérogatives pendant la durée de l’enquête le concernant », indique Jean Batou. « EàG estime que cela n’est pas souhaitable. » Le projet de loi modifiant la Constitution cantonale demande ainsi que, lorsque le président est mis en prévention de commission d’un crime ou d’un délit dans une procédure pénale ouverte en Suisse, le/la vice-président-e exerce cette fonction à sa place pendant toute la durée de la procédure.

Empêcher aux magistrat-e-s sous enquête de diriger la police
Le second projet de loi entend modifier la loi sur l’exercice des compétences du Conseil d’Etat et l’organisation de l’administration (LECO). La mise en prévention d’un conseiller d’Etat est chose rare. Elle implique que le Ministère public dispose d’éléments extrêmement sérieux pour l’inculper, qu’il sollicite pour cela du Grand Conseil l’autorisation de le poursuivre, et qu’enfin la majorité du parlement vote la levée de l’immunité du membre du gouvernement cantonal ainsi visé. « Dans un tel cas de figure, afin de garantir qu’il n’y ait aucune interférence du magistrat mis en prévention avec le travail de la justice, il nous paraît indispensable qu’il soit privé de toute autorité sur le corps de police conduit à participer à l’enquête le concernant, et ceci pendant toute la durée de la procédure », affirme le député EàG. « Il nous semble également justifié qu’il n’exerce plus aucune autorité sur les domaines concernés par l’enquête en cours. » Un conseiller d’État mis en prévention doit pouvoir se défendre des accusations qui pèsent sur lui sans être soupçonné d’influer sur le cours de l’enquête. Il en va de la crédibilité d’une justice indépendante et égale pour toutes et tous.