Alors que le budget 2018 affichait un déficit de 187 millions de francs, les comptes présentés ce matin par le Conseil d’Etat enregistrent un excédent de 222 millions. De plus, le Conseil d’Etat a provisionné 157 millions en raison du litige concernant le non-paiement de l’annuité à la fonction publique en 2016. Au total, les dépenses ont donc été de 500 millions inférieures aux recettes effectives. Si les écarts entre les prévisions du budget et le résultat des comptes sont fréquents, l’ampleur de ceux-ci est cette fois-ci inacceptable. La politique de compression des charges menée depuis des années doit être remise en question !

Ce résultat positif provient majoritairement de rentrées fiscales supplémentaires. En particulier, l’impôt sur le bénéfice des entreprises et sur le capital affichent une croissance spectaculaire. Au total, les impôts sur les personnes morales ont permis d’engranger plus de 200 millions de plus par rapport aux prévisions budgétaires. Rappelons que pour le budget 2019, le gouvernement avait déjà annoncé des revenus inattendus à un mois de sa soumission au Parlement. Cette situation devrait amener le Département des finances à réviser sérieusement sa méthode d’estimation des revenus fiscaux. Il est inconcevable de réaliser des budgets sur la base d’estimations aussi éloignées de la réalité.

Ceci dit, les comptes soulignent également l’importance des impôts sur les personnes morales, à l’heure où la RFFA menace de les réduire drastiquement. Les impôts sur les personnes physiques dépassent également les montants prévus pour l’établissement du budget (+3%), notamment grâce aux dénonciations dites « spontanées » des contribuables, qui découlent avant tout des accords sur l’échange automatique d’informations. Cette situation met en relief l’impact positif qu’aurait une politique de lutte plus active contre l’évasion fiscale.

Dans ce contexte, il est impossible de justifier le gel de l’annuité de la fonction publique en 2016. Rappelons qu’un arrêté de la Chambre administrative de la Cour de justice avait cassé cette décision pour une recourante. Le feuilleton judiciaire se poursuit, puisque le Conseil d’Etat a fait appel auprès du Tribunal Fédéral. Le montant de cette annuité a donc été provisionné par le gouvernement, ce qui montre clairement que l’Etat a les moyens de respecter ses obligations légales envers ses salarié·e·s.

Les résultats des comptes montrent aussi que de nombreuses dépenses prévues par le budget n’ont pas été réalisées. C’est notamment le cas pour les politiques publiques de la Cohésions sociale, de la Formation et du Marché du travail, qui incluent notamment la lutte contre le chômage. Une part des économies réalisées provient des charges de personnel. La politique de compression menée avec obstination par le canton n’est pas justifiable, alors que de nombreux services et institutions subventionnées peinent aujourd’hui à assurer des prestations essentielles à la population. L’excédent spectaculaire des comptes 2018 aurait dû financer l’action des services publics pour faire face à l’augmentation de la précarité, au vieillissement de la population, aux besoins en termes de santé et de formation, de même qu’à l’explosion des primes d’assurance maladie.

Enfin, le niveau d’investissement est inférieur de 32% à celui prévu dans le cadre du budget. Seuls 497 millions ont donc été investis sur les 727 annoncés. Le Conseil d’Etat a défendu ce matin la thèse de « l’accident » qui ne découlait « d’aucune volonté politique ». Une étude plus détaillée de ce résultat étonnant sera nécessaire. Mais un tel écart interpelle.

Si le Conseil d’Etat maintient une politique d’austérité aussi injustifiée sur la durée, c’est qu’il anticipe les pertes fiscales colossales qui seraient générées par la RFFA… si elle était acceptée. Malgré le refus de la RIE III, le gouvernement a maintenu le cap, aux dépens des besoins de la population. L’excellente santé des finances du Canton est une bonne nouvelle. Elle doit nous encourager à renforcer nos politiques publiques en faveur des plus fragiles. L’Etat a les moyens de réaliser un programme ambitieux dans les domaines de la santé, du social, de l’éducation, de la protection de l’environnement, etc. Il est regrettable que le Conseil d’Etat, obsédé par sa volonté de baisser les impôts des privilégiés, manque cruellement de volonté en la matière.