Tandis que les inégalités se creusent et que la grande majorité de la population peine toujours plus à boucler ses fins de mois, les privilégié-e-s ne cessent de réclamer de nouveaux cadeaux fiscaux, usant de tous les moyens de chantage et de pression à leur disposition. En matière d’inégalités, les tendances s’observent facilement à la lecture de statistiques sur la répartition des richesses. Pour ce qui est des pressions exercées par les privilégié-e-s sur le monde politique, les exemples ne manquent pas.

Le pouvoir de l’argent a été rendu visible à l’occasion de plusieurs scandales, tels que les WikiLeaks, les Panama Papers, ou, plus modestement, de l’affaire Maudet… Nous vous offrons aujourd’hui un nouvel exemple local de pressions des milieux de la finance sur un de leurs alliés politiques de droite, qu’ils financent généreusement. Ensemble à Gauche s’est procuré un courrier de juin 2018 qu’un banquier de la place genevoise a adressé au président du PDC et député, Bertrand Buchs. Dans ce courrier, le banquier insinue qu’il pourrait reconsidérer son soutien au PDC si le député persistait à critiquer le conseiller d’Etat PLR Pierre Maudet.

Des inégalités qui se creusent
Selon une étude de l’Administration fédérale des contributions du 20 août 2019, la Suisse connaît « une croissance importante du montant total des fortunes durant ces dernières années, ainsi qu’une répartition de la richesse toujours plus inégale ». En 2015, 66,6% de la fortune privée est détenue par des millionnaires. Mais c’est dans le canton de Genève que l’inégalité des fortunes est la plus forte : 67% des contribuables y déclarent un patrimoine inférieur à 50’000 francs, tandis que 80% de la fortune privée est détenue par des millionnaires.

De 2003 à 2015, l’indice d’inégalité des fortunes a progressé de 4% en Suisse, et Vaud se distinguait comme le champion d’une telle évolution, juste derrière le Tessin et Obwald. En suisse, 1% des plus grosses fortunes dépassaient le seuil des 2,7 millions en 2003, alors que ce même seuil était de 3,8 millions (+42,9%) en 2015.

De même, la croissance annuelle des recettes de l’impôt sur la fortune des cantons et des communes (+3,4%) a suivi celle du patrimoine (+3,6%). À Genève, l’impôt n’a pas suivi (+4,9% contre +6,5%), tandis qu’à Bâle Ville, il a été plus vite (+6,6% contre +3,0%). Genève a épargné ses possédants, sans doute grâce à l’introduction (2011) d’un « bouclier fiscal » au profit des multimillionnaires.

Les écarts de l’impôt cantonal et communal sur le patrimoine jouent un rôle secondaire sur la distribution des grandes fortune en Suisse, sauf peut-être à Zurich, qui dispose des « paradis fiscaux » de Zoug et de Schwyz. C’est pourquoi la croissance rapide et la concentration du patrimoine à Genève n’ont pas été dissuadées par la plus « forte » imposition des grosses fortunes.

Comme le montrait récemment le magazine Bilan, Genève se taille la palme d’or, avec 82 multimillionnaires (27%) sur les 300 plus riches de Suisse, contre 42 dans le canton de Vaud (14%) et 22 dans le Valais (7%), 2 à Fribourg et aucun à Neuchâtel.

Au niveau mondial, le marché des passeports, évalué à 25 milliards de dollars par an, est en plein essor. Le cabinet zurichois Hentley & Partners est le leader mondial en la matière (Bilan, déc. 2019). Contre espèces sonnantes et trébuchantes vous pouvez désormais vous offrir une nationalité quasi cotée en bourse (le passeport suisse arriverait en 6e position).

Les pressions des privilégié-e-s sur leurs alliés politiques
La fortune privée de la 3e des grandes banques privées genevoises, le Groupe Mirabaud, est évaluée par Bilan à 500-600 millions de francs, en hausse de 100 millions en 2019. Ceci a permis à l’Associé gérant senior de cette société, Yves Mirabaud, d’intervenir récemment directement dans la politique cantonale.

Le 4 juin 2018, il adressait une remontrance écrite au président du PDC genevois, Bertrand Buchs, au nom de sa banque et de la Fondation Genève place financière, en raison de ses attaques contre le magistrat PLR, Pierre Maudet (voir fac-similé ci-contre). Depuis lors, malgré le départ de Buchs des instances du PDC genevois, il n’aurait plus reçu d’argent du Groupe Mirabaud (die Zeit, 5 déc. 2019).

Suite à la découverte de ce document, les député-e-s d’Ensemble à Gauche ont adressé un courrier à M. Mirabaud, que vous découvrirez ci-dessous:

Il est grand temps de mener une campagne démocratique contre l’emprise de l’argent sur la politique, qui exige une transparence absolue du financement des partis, des candidat·e·s et des élu·e·s et une lutte sans concession contre toutes les formes de corruption, dont Genève est une plaque tournante.