Cité-Rive, Florissant-Malagnou, Champel… les quartiers bourgeois de la Ville ont approuvé le 13 juin la « Cité de la Musique », un projet élitiste et financé par le privé… que la majorité des électeurs-trices en Ville de Genève a heureusement refusé avec plus de 800 voix d’avance. La Genève populaire des Pâquis à la Jonction a dit NON à ce projet et elle l’a emporté, malgré la campagne à grands moyens menée par les partisans de l’édification de ce « paquebot » culturel de prestige.

Le Plan localisé de quartier (PLQ) comprenant celui-ci a été refusé et la moindre des choses en démocratie serait de respecter ce vote populaire. Mais une petite vingtaine de député·e·s PLR et MCG essentiellement ont déposé au Grand Conseil une résolution (R968) dans l’autre sens « Pour le maintien du projet de la Cité de la Musique »… Il s’est trouvé une majorité de droite, appuyée par un PS ayant subitement perdu tout repère démocratique, pour voter l’urgence de cette infamie, concluant qu’il fallait «approuver le plan localisé de quartier concernant la Cité de la musique malgré le résultat du référendum municipal sur la cité de la musique du 13 juin 2021 ».

Reprenant les arguments des partisans du OUI dans la campagne conclue le 13 juin le chef de groupe PLR – Cyril Aellen – a ouvert les feux de ce débat évoquant une « problématique de procédure » quant au vote populaire qu’il s’agit de contredire… Il a invoqué la diversité des motifs du NON pour justifier de ne pas en tenir compte, comme si ce n’était pas toujours le cas dans toute campagne référendaire victorieuse et affirmé qu’on pouvait envisager de rallier une partie des opposant·e·s moyennant tel ou tel ajustement du projet.

Le PS s’est d’ailleurs engouffré ensuite dans cette brèche qui lui était proposée. Aellen a encore évoqué le caractère « partiel » du vote, puisqu’il était cantonné à la Ville de Genève… oubliant de dire que si la bataille est transférée au plan cantonal, ce sont des dizaines de milliers d’électeurs-trices étrangers·ères qui seront privés d’avoir leur mot à dire dans un scrutin lui aussi, de ce fait, « partiel ».

Un PS s’accrochant aux basques du PLR
Le PS par la voix du député Sylvain Thévoz a plaidé pour « sortir du clivage » concernant ce projet… Une position hypocrite, on se doute bien en effet que si le OUI l’avait emporté, toute velléité de renverser la vapeur au nom d’une « sortie du clivage » aurait été froidement rejetée.

Ici le PS a – dit-il – voulu donner un « signal politique fort », ce qu’il signale surtout par son appui au PLR… c’est le relativisme avec lequel il voit l’exercice de la démocratie semi-directe. Combien d’entre-nous se sont vus refuser une signature pour telle initiative ou tel référendum au motif que : « De toute façon, «ils» font ce qu’ils veulent… ».

Ici, c’est moins deux semaines déjà après un scrutin, qu’ils (PLR,PS,MCG & Co) ont entrepris, avec une effronterie rare, de « faire ce qu’ils veulent » plutôt que d’écouter la voix des habitant·e·s sortie des urnes.

Pour faire passer la forfaiture le PS a proposé un amendement invitant à une « concertation » avec les opposants, à faire plus de place aux « musiques actuelles » etc. etc. Mais in fine, c’est bien le même PLQ dont le PS demande la bouche en cœur l’approbation par le parlement.

Pour EàG, Pablo Cruchon est intervenu pour dénoncer le mépris des signaux donné par la population contre un projet élitiste au service des plus fortunés… Il a dénoncé le rôle à contre-emploi du PLR dont la pingrerie en matière de crédits cantonaux pour la culture est bien connu et qui découvre tout d’un coup que ce serait là un « projet d’envergure cantonale » qui justifierait de ne pas tenir compte d’un vote populaire qui a refusé un projet dépassé… Dépassé quant à sa conception de l’intégration de la nature en Ville, quant à sa conception élitaire et à son mépris des musiques actuelles… Il a relevé que ce sont les mêmes qui se sont exprimés en faveur de l’aide à la culture qui sont prêts à galvauder 300 millions au profit de deux institutions seulement au détriment des 150 institutions musicales du Canton qui auraient bien besoin d’une aide immédiate… Il a souligné aussi la restriction démocratique – avec exclusion du suffrage des étrangers·ères – que représente le déplacement du processus au plan cantonal qu’implique la résolution.

Bref – comme souvent – EàG s’est retrouvé en première ligne pour défendre les droits démocratiques et les intérêts populaires. Au final l’amendement PS a été accepté par une large majorité de droite… et le texte d’ensemble de la résolution a été accepté par une majorité de 55 contre 25, avec 7 abstentions. Incroyable, mais vrai ! Gageons que si cette résolution est suivie d’effets, c’est un deuxième référendum, cantonal celui-là, que nous aurons à faire aboutir et à gagner…

Pierre Vanek