Alors que face au projet de budget 2021 le personnel de l’Etat et du secteur subventionné se mobilise de manière exemplaire pour dénoncer les mesures d’économies concoctées par le gouvernement sur le dos des salarié.e.s, la droite, elle, n’a qu’une seule expression à la bouche : « C’est indécent ! » Les détracteurs de la fonction publique peuvent donner l’impression de manquer de vocabulaire… mais ils tentent surtout de projeter leurs propres turpitudes sur la masse des employé.e.s de la fonction publique qui s’échinent à délivrer, dans des conditions difficiles, les prestations dues à la population.

Ainsi, il serait indécent de défendre ses conditions de travail, indécent de descendre dans la rue, indécent d’oser manifester, indécent de se battre pour préserver son salaire, indécent de dénoncer la dégradation planifiée des services publics, indécent d’exiger des moyens et des postes pour répondre aux besoins de la population, etc. La droite peut (feindre de) s’étrangler mais la mobilisation déterminée des fonctionnaires est là pour rappeler où se situent les vraies et principales indécences, celles qui portent préjudice à la majorité des citoyennes et citoyens.

Entres autres bassesses, iniquités, ignominies, indignités, abjections, etc. il faut relever :

  • L’utilisation de la situation actuelle de pandémie comme prétexte pour renforcer une politique d’austérité, en faisant croire que baisser les salaires servirait à supporter le coût de la crise sanitaire ;
  • L’injustice et l’irresponsabilité de vouloir sanctionner par une coupe salariale linéaire de 1% le personnel, notamment soignant, au front depuis février 2020 ;
  • La remise en question permanente des augmentations salariales du personnel de l’Etat prévues par la loi, concrétisée par le projet de les supprimer une nouvelle fois en 2021 et 2023 ;
  • La non-entrée en matière sur les primes covid et les revalorisations salariales, autant justifiées qu’attendues par le personnel concerné ;
  • Le refus de remettre en question les réformes fiscales successives (dont RFFA, la réforme de l’imposition des bénéfices des entreprises) qui font perdre des centaines de millions chaque année à l’Etat, sommes qui seraient à même de rétablir un budget cantonal acceptable ;
  • La volonté du Conseil d’Etat d’octroyer de nouveaux cadeaux fiscaux aux plus nantis, avec le projet de réduire de 15% l’impôt sur la fortune ;
  • Les velléités de l’employeur de contourner la volonté du peuple, qui a accepté la recapitalisation de la caisse de pension (CPEG), en faisant payer la facture aux employé.e.s par une modification de la répartition des cotisations, ce qui engendrerait une (nouvelle) perte salariale de 2,4% ;
  • Le discours moralisateur et culpabilisant d’aucun.es à l’égard des fonctionnaires au nom d’une solidarité fantasmée, comme si la dégradation des conditions de travail du secteur public pouvait aider le secteur privé ;
  • Les tentatives, vaines à ce jour heureusement, de monter les secteurs publics et privés les uns contre les autres ;
  • La leçon d’un certain conseiller d’Etat qui – alors que la sonnette d’alarme quant au besoin de former davantage de personnel soignant a retenti depuis longtemps, bien avant la pandémie, en particulier avec le vieillissement de la population, sans susciter une action à la hauteur de la part du gouvernement – vient expliquer d’un air pénétré qu’il faut du temps pour former un personnel soignant performant, que ce problème de pénurie, accru dans le contexte sanitaire, ne va pas se résoudre rapidement ;
  • Le cortège des mesures antisociales qui perdure au fil des gouvernements au détriment de toutes et tous ;
  • L’absurdité de la majorité parlementaire qui consiste à refuser les postes nécessaires au fonctionnement des services de l’Etat, notamment au vu de l’augmentation de la démographie, alors que ce défaut de postes récurrent met la plupart des entités sous pression, détériore les conditions de travail et les prestations, et augmente l’absentéisme ;
  • Les projets d’augmenter la charge de travail des fonctionnaires, en particulier celle des enseignant.es du secondaire (+ 27% !) alors que le personnel et les secteurs sont exsangues ;
  • Etc.

Olivier Baud