Le Conseil fédéral a adopté le message relatif à AVS21 le 28 août 2019; le 25 novembre dernier, il a adopté celui sur la réforme de la LPP, sur la base d’un avant-projet concocté par l’USS, Travail.Suisse et l’Union Patronale, qui tend malheureusement à renforcer l’escroquerie du 2e Pilier, alors que le journal alémanique d’UNIA le présente comme un résultat positif de la grève féministe du 14 juin 2019 (!?). Sur ces deux terrains, il s’agit d’un recul pour l’ensemble des salarié·e·s, plus brutal encore pour les femmes. La réponse d’Ensemble à gauche propose d’intégrer le 2e pilier à l’AVS et de garantir ainsi une rente pour toutes et tous d’un minimum de 4000 francs et d’un maximum de 8000 francs.

NON à un nouvel affaiblissement de l’AVS !
En ce qui concerne l’AVS, rappelons que le Conseil fédéral propose d’élever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, qui deviendrait aussi l’âge de référence pour le 2e pilier ; qu’il entend favoriser la prolongation de l’activité professionnelle, ceci jusqu’à 70 ans, en contrepartie d’une augmentation des pensions versées ; qu’il compte enfin trouver aussi de nouvelles recettes par une hausse de 0,7 point de la TVA, et ceci dès 2022. Ce plan vise à répondre à un déficit structurel cumulé, estimé à 26 milliards à l’horizon 2030. Une projection dramatisée à laquelle nul n’est obligé de croire, tant le Conseil fédéral a été coutumier de ces cris d’alarme dans le passé. Notons en passant que les comptes de l’AVS 2019 bouclent sur un excédent de 1,85 milliard !

Les trois mesures phares d’AVS21 sont profondément antisociales. La première, soit l’élévation à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes, est une provocation, puisque leurs salaires sont toujours inférieurs (de 32% en moyenne) à ceux des hommes, qu’elles sont assignées aux métiers les plus mal rémunérés et les plus précaires, et qu’elles fournissent l’essentiel des tâches de ménage, d’éducation et de soin dans le cadre familial (ce sont les mécanismes de bonus pour ces tâches assumées dans la sphère privée qu’il faudrait renforcer). La seconde, soit la flexibilisation de l’âge de la retraite vise les bas salaires et les pensions insuffisantes (celles des femmes sont en moyenne de 37% inférieures à celles des hommes), qui se verront plus souvent contraintes à repousser leur retraite au-delà de l’âge de référence. Enfin, la troisième, l’élévation du taux de TVA de 0,7% table sur un financement porté de façon disproportionnée par les classes populaires, alors qu’une hausse de 0,4% de la cotisation paritaire atteindrait le même résultat de façon solidaire.

NON à une nouvelle arnaque du 2e pilier !
L’année prochaine, les Chambres pourraient adopter une réforme de la LPP fondée sur un avant-projet concocté par l’USS, Travail.Suisse et l’Union Patronale. Rappelons tout d’abord que la prévoyance professionnelle est une véritable arnaque, soutenue dès le début des années 1970 par la droite, le Parti socialiste et l’Union Syndicale, qui fonde une grande partie de nos retraites sur la capitalisation individuelle. Avec la hausse de l’espérance de vie et la baisse à long terme des rendements sur les marchés financiers, ce 2e pilier du système de retraites helvétique discrimine fortement les bas salaires et les femmes (leurs rentes, quand elles en ont une, représentent en moyenne la moitié de celles des hommes) et réduit continuellement les prestations attendues comme peau de chagrin.

La nouvelle donne sur laquelle « les partenaires sociaux » sont tombés d’accord s’appuie tout d’abord sur l’élévation de l’âge de la retraite des femmes, actée de facto par AVS21, dans le même esprit que PV2020, un projet pourtant refusé en votation populaire en septembre 2017. Une autre mesure phare de l’accord a elle aussi été jusqu’ici recalée par le corps électoral : il s’agit de la baisse brutale du taux de conversion de 6,8% à 6% (en clair, une réduction de 12% des rentes sur la part obligatoire de la prévoyance professionnelle). Enfin, ce très mauvais « compromis » prévoit une hausse significative des cotisations, donc de la capitalisation, du fait de l’augmentation du salaire assuré. L’USS justifie ces concessions essentielles en raison des quelques mesures compensatoires qu’elle a pu grappiller, dont la durée est, pour l’essentiel, limitée dans le temps. Tout ceci représente une fuite en avant inacceptable du point de vue des salarié·e·s.

Une seule solution : l’intégration du 2e pilier à l’AVS
Dans l’immédiat, l’initiative de l’USS pour une 13e rente AVS représenterait une amélioration significative, soit une augmentation moyenne de 165 francs par mois, raison pour laquelle il faut bien entendu la soutenir, mais elle ne résoudrait pas la crise structurelle de « notre » système de retraites fondé sur trois piliers, dont le premier est le seul à tenir bon et à institutionnaliser un transfert de ressources des privilégiés aux plus modestes, des hommes aux femmes, des actifs·es aux plus âgé·e·s, dans une perspective de justice sociale.

Ensemble à gauche défend un système de pension fondé sur la répartition, sûre et solidaire, qui intègre le 2e pilier, maintienne les avantages acquis et garantisse à tout le monde une rente correspondant à 75% de son dernier salaire, mais avec un montant plancher de 4000 francs par mois et un montant plafond de 8000 francs. Il suffirait pour cela que chacun·e cotise pendant 44 ans, comme c’est le cas aujourd’hui pour l’AVS, au taux cumulé de l’AVS et de la prévoyance professionnelle, que les subventions publiques actuelles soient maintenues, et que la fortune du 2e pilier et de l’AVS (1050 milliards de francs en tout) soit convertie en un fonds souverain destiné à des investissements sociaux et écologiques dont les expectatives de rendement moyen seraient de 2% par an. Des mesures transitoires permettraient aussi à chacun·e d’opter pour le régime le plus avantageux pour elle/lui, et ceci jusqu’à dix ans après l’introduction du nouveau système. Nous reviendrons sur cette perspective de réforme structurelle avec une proposition détaillée et chiffrée.