Sous prétexte que la Confédération va mettre en place une trop restrictive allocation transitoire pour les chômeur.euse.s dès l’âge de 60 ans dès juillet 2021, la LPtra, la majorité Grand conseil, sous prétexte de ne pas en avoir les moyens financiers, refuse de mettre en place un dispositif adapté au coût de la vie genevoise qui constituerait une réelle réponse aux besoins des demandeur.euse.s d’emploi âgé.e.s dès 57 ans révolus.

Le projet de loi 12567, se voulait une alternative à l’exclusion professionnelle et à l’appauvrissement des demandeur.euse.s d’emploi âgé.e.s. Il était inspiré des travaux qui avaient été à l’origine du projet de loi 11501 en faveur d’un changement de paradigme en matière de gestion du chômage et de création d’emploi. Il s’inscrivait aussi dans le contexte des travaux du Conseil national relatifs à la mise en place d’une allocation transitoire pour les travailleur.euse.s âgé.e.s, la LPtra. Ceci à un moment où les chambre s’affrontaient à ce propos et que le projet d’origine se voyait gravement régresser.

Au final, le pire a sans doute été évité, mais la loi de compromis finalement votée au niveau fédéral comporte des restrictions majeures qui confortent les signataires du PL 12567 dans la conviction qu’une rente pont cantonale est indispensable. Il s’agit essentiellement des limitations suivantes : l’âge de 60 ans, qui ne tient pas compte de la part prépondérante de la problématique des travailleur.euse.s senior.e.s dès 55 ans, la condition des 20 ans d’activités préalables soumises à cotisations, dont au moins 5 ans après l’âge de 50 ans, le fait que la loi fédérale ne s’adresse qu’aux chômeur.euse.s en fin de droit et non à tous.tes les demandeur.euse.s d’emploi, et enfin le fait qu’elle octroie des prestations à hauteur des prestations complémentaires fédérales (PCF), alors que Genève en raison de son coût de la vie élevé a dû introduire, à l’instar des cantons de Zurich et Bâle, un système d’aide complémentaire cantonale, les (PCC). Cela étant, La LPtra, adoptée le 19 juin 2020, a été tout de même été saisie d’un référendum. La récolte de signatures menée sous le titre fallacieux de : référendum contre « la rente de licenciement » (des travailleurs âgés) n’a heureusement pas abouti.

Jusqu’ici, les demandeur.euse.s d’emploi étaient systématiquement confronté.e.s au risque avéré d’une fin de carrière marquée par l’éviction. Diverses sources statistiques concordent sur le constat que si les travailleur.euse,s âgé.e.s sont moins souvent touché.e.s par le chômage, lorsque le cas survient, leur réinsertion professionnelle est considérablement plus difficile, voire trop souvent vouée à l’échec.

Il apparaît ainsi, selon une étude réalisée par la Haute école spécialisée de Berne (HES) sur mandat du SECO en 2018, que seul 13,9% des chômeuses et chômeurs de 55 et plus en fin de droit ont réussi à se réinsérer durablement sur le marché du travail entre 2005 et 2013. Une autre étude évoquée lors des débats parlementaires fédéraux nous apprend, quant à elle, qu’entre 2013 et 2018, la situation s’est probablement encore péjorée : 31,3% des 55 ans et plus n’ont plus exercé aucune activité lucrative après la fin de leur droit aux indemnités de chômage.

Ainsi pour ces personnes cela signifie que la dizaine d’années qui les séparent de la retraite sera marquée par l’exclusion du monde du travail et trop souvent un douloureux exil social. Une situation qui favorise des sentiments de dévalorisation et les place dans une situation de dépendance financière à l’égard de leur entourage ou les contraint à faire appel à l’aide sociale. Des cas de figure qui ne manquent pas d’altérer leur santé et viennent alourdir les coûts de la santé, en plus de ceux des aides sociales.

L’entrée en vigueur de la loi fédérale aurait considérablement réduit le coût de l’introduction du dispositif cantonal prôné par le PL 12567. Il ne serait resté charge du canton que le différentiel découlant des conditions d’accès différenciées entre la loi cantonale et la loi fédérale et la compensation indispensable entre prestations complémentaires fédérales et prestations complémentaires cantonales.

Contrairement à ce que la majorité de droite du Grand conseil n’as cessé de prétendre pour mieux disqualifier le projet de loi, la rente-pont n’est pas un renoncement au retour à l’emploi des senior.e.s. Elle permet simplement de faire face au fait que pour bon nombre de travailleur.euse.s ce retour à l’emploi est problématique, voire pour divers motifs trop souvent voué à l’échec.

Quant au risque évoqué par certain.e.s commissaires de l’incitation pour certain.e.s employeur.euse.s à licencier des employé.e.s âgé.e.s, les auteur.e.s du projet de loi comme certains des auditionné.e.s constatent que la rente-pont vaudoise, novatrice en la matière depuis 2011, n’a pas provoqué d’appel d’air de ce genre.

Lors des travaux de commission, la droite a d’emblée invoqué le fait qu’en raison de la RFFA le Canton ne pourrait affronter les coûts de mise en œuvre d’un tel projet, ensuite, c’est la crise sanitaire, économique et sociale qui lui a donné un autre alibi pour justifier son refus.

Pourtant, alors que nous nous trouvions confronté autant à un changement structurel du marché de l’emploi qu’à une situation conjoncturelle particulièrement problématique d’augmentation du chômage, prévoir des alternatives crédibles et respectueuses des personnes au chômage et à l’aide sociale était à plus forte raison une occasion à ne pas manquer

La majorité de droite a balayé ce projet de loi par 57 voix contre et 32 pour. Elle a choisi sans état d’âme de ne pas offrir un autre horizon que la pauvreté et/ou l’aide sociale à la majeure partie des demandeur.euse.s d’emploi âgé.e.s. 

Jocelyne Haller