Rétablir la confiance demandera du travail. Pierre Maudet a ouvert les feux avec Abu Dhabi et l’Escobar – deux arbres qui cachaient une forêt. Puis on apprenait que des Conseillers nationaux recevaient CHF 10’000.- par année pour quelques réunions d’assurances-maladies. C’était ensuite au tour de la Ville de Genève de s’enliser, avec des notes de frais inexplicables et une invitation à Abu Dhabi pour le conseiller national et administratif Guillaume Barazzone, plus proche de MSC Mediterranean Shipping Company que de la population. Quant à certains député-e-s genevois, ils ne sont pas en reste avec des invitations à Taiwan.

Seule la justice échappera sans doute au massacre. Les magistrats judiciaires veillent sur leur indépendance comme sur la prunelle de leurs yeux, et il ne leur viendrait je pense jamais à l’idée d’accepter le moindre cadeau. Pourquoi en a-t-il été autrement au sein des exécutif et législatif ? Pourquoi a-t-on toléré de la part de ceux qui écrivent ou mettent en œuvre les lois des comportements que l’on n’aurait jamais admis de la part des juges ? Parce qu’on nous a faussement fait croire qu’il y aurait une différence fondamentale entre d’un côté la justice parfaite, élevée à une saine et lointaine distance d’avec le peuple, et d’un autre côté les législatifs et exécutifs, qui devraient au contraire se mêler au peuple, s’y mélanger avec qualités et défauts jusqu’à la lie, sous peine d’être progressivement détachés de la réalité.

Tout cela est faux et caricatural évidemment : les trois pouvoirs sont exercés par des femmes et des hommes forcément imparfaits, et le risque d’abus et de corruption existe pour toutes et tous. Puisque ce risque est inévitable, il faut l’encadrer avec une règle simple et stricte : zéro cadeau. Ce n’est pas trop demander de la part de celles et ceux auxquels nous confions la gestion de nos communautés que de renoncer absolument à tout cadeau pendant la durée de leurs mandats. Et il est temps que tout le monde sache qu’offrir un cadeau à un politique, c’est lui faire courir un risque. Cette interdiction est trop importante pour être une simple question éthique ou morale, elle doit s’imposer par un texte de loi. Pour Pierre Bourdieu, dans l’intervalle de temps qui sépare don et contre-don, le donataire entre dans la dépendance du donateur, devient son obligé. Or, celles et ceux qui nous gouvernent ne doivent être les obligés que du peuple et du droit.