S’obstiner à séparer les élèves en trois groupes distincts à leur entrée au cycle d’orientation (CO) est injuste. C’est pourtant le système qui, grosso modo, a perduré jusqu’à aujourd’hui. Sections, niveaux, regroupements ne sont finalement que des mots pour organiser une sélection précoce des enfants âgés de 12 ans, au mépris de leurs compétences réelles et capacités à les développer en interagissant avec leurs pairs. Le projet « CO22 », censé entrer en vigueur à la prochaine rentrée scolaire, instaure une mixité intégrée, et répartit indistinctement les élèves dans les classes de 9ème et 10ème. Adopté par le parlement et soutenu par Ensemble à Gauche, il constitue une avancée vers une scolarité obligatoire plus cohérente et harmonieuse durant les onze années qui la composent, propre à mieux « corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves » (LIP, art. 10).
Durant les huit années de l’école primaire (de la 1P à la 8P), les élèves se trouvent dans des classes hétérogènes qui fonctionnent. Pourquoi créer une rupture dès la 9ème ? Il est avéré que les compétences se recouvrent entre les niveaux créés au secondaire I et qu’ainsi une proportion importante d’élèves de la filière la moins valorisée obtient des résultats semblables à ceux de celle la plus valorisée. Mais se retrouver dans le niveau inférieur met l’élève en situation d’échec et le démotive. La recherche montre aussi qu’une orientation précoce des élèves dans des filières différentes les sépare de fait selon leurs caractéristiques sociales et produit beaucoup d’inégalités.
Ensemble à Gauche avait déposé un projet de loi (PL 12356 – Pour une école unifiée, permettant la réussite de toutes et tous) en 2018 déjà, au vu de l’échec du « nouveau CO » instauré en 2011. En effet, EàG faisait le constat que le CO vivait toujours au rythme des sections, comme lors de sa création dans les années 60, continuait à reproduire les inégalités sociales, et qu’il convenait ainsi de revoir son organisation afin que la stigmatisation et l’exclusion, qui empêchent le bon déroulement de la fin de la scolarité obligatoire de nombre d’élèves, cèdent le pas à une école de la réussite. Le projet prévoyait déjà des effectifs de classe à 18 élèves au maximum, et une répartition aléatoire des élèves dans les classes, assurant une forme de continuum entre la 8ème année du primaire et la 9ème du CO.
Le PL 12974 « CO22 », adopté par le Grand Conseil (par 57 voix contre 31), a repris certains des éléments proposés par EàG et représente une forme de compromis qu’il faut éprouver. Dans ce sens, le référendum annoncé par les tenants d’une école élitiste devra être combattu, s’il est lancé. Cependant, la mise en place de l’école davantage unifiée, avec le « CO22 », nécessitera des moyens supplémentaires en termes de postes et de formations ou recyclages du corps enseignant, ainsi qu’une réflexion concertée, avec les partenaires sociaux, notamment pour rédiger un règlement conforme aux espoirs que suscite la loi, car cette dernière ne répond pas, et c’est normal, à toutes les interrogations ou aspects concrets de son application future. EàG veillera à ce que cette réforme du CO soit accompagnée des moyens nécessaires.
Olivier Baud