Pourquoi consacrer des millions à l’étude d’un projet qui ne verra jamais le jour ? En commission, la droite avait quadruplé la facture en portant à 24 millions le crédit d’étude pour la traversée du Lac. Mais elle s’est vite dégonflée en se rabattant de manière opportuniste derrière l’amendement qui rétablissait le montant initial de 6 millions demandé par le Conseil d’Etat. Une façon d’esquiver le référendum qui s’imposait si les 24 millions avaient été votés, et d’éviter de se confronter à la volonté populaire.

Genève n’a pas besoin d’une traversée du Lac. Ensemble à Gauche est persuadé que, quel que soit le projet d’autoroute lacustre envisagé, la probabilité de le voir un jour se réaliser est nulle. Il est donc vain de dilapider 6,3 mios pour des plans irréalistes et chimériques, un montant qui s’ajoute aux millions déjà dépensés pour des études qui n’ont pour l’heure pas réussi à démontrer l’utilité de ce projet. A lui seul, le coût total de construction estimé par le Canton s’élève à plus de 3 milliards, mais il s’avérerait à coup sûr bien plus coûteux. Ainsi, le soutien à l’idée d’une traversée du lac, exprimé en votation populaire en 2016, s’amenuise passablement quand il s’agit d’en parler plus concrètement, de passer d’un vague principe aux actes, notamment au vu du coût de la réalisation et des retombées négatives sur les potentiels riverains. De plus en plus de voix sensées, de tous bords, s’élèvent contre ce projet démesuré, passéiste, qui ne résoudra en rien les problèmes actuels de mobilité que connait le canton.

Financements fantasmés
Ce crédit d’étude a pour but d’éprouver le projet auprès de la Confédération en vue d’un hypothétique financement fédéral ou d’une dérogation pour y installer un péage d’ouvrage. Mais ces éventualités restent toutefois largement compromises dans la mesure où le projet de traversée du lac ne figure nulle part dans les échéances prévues par la Confédération et que les desseins de péages ne recueillent pas vraiment les faveurs à Berne. Il faut rappeler également que la possibilité d’un financement à travers un partenariat public-privé, une option longtemps présentée comme la solution par les défenseurs du projet, semble irréaliste depuis la parution du rapport réalisé par le groupe Edmond de Rothschild.

Projet vaseux
À cela s’ajoutent les nombreuses incertitudes qui restent sur la faisabilité de l’ouvrage, comme le révèle le rapport du Conseil consultatif de la traversée du lac, notamment au vu des connaissances lacunaires de la géologie du lac et du surcoût colossal que cela pourrait induire pour la construction d’un tel ouvrage. La vision défendue par le gouvernement et la droite est ainsi résolument d’un autre temps. Au lieu de développer les alternatives à la voiture pour résoudre les problèmes de trafic, il persévère à vouloir semer des routes pour récolter des bouchons. Il ne fait aucun doute qu’un « tunnel-pont-tunnel » réservé aux voitures (et, qui plus est, assorti d’un péage estimé rédhibitoire par les défenseurs des automobilistes !) n’améliorera en rien la circulation routière genevoise, au contraire.

Un exécutif et une droite peu visionnaires
À l’heure où Genève a besoin d’argent pour investir dans des infrastructures de mobilité durable, notamment pour les différents projets qui n’ont pas été retenus par la Confédération dans le troisième projet d’agglomération, il est irresponsable de sacrifier de l’argent dans des études inutiles et dispendieuses pour un projet dont il apparaît clairement qu’il n’existe pas le premier franc pour le réaliser. Il faudra hélas attendre d’avoir dépensé des millions – des dizaines de millions si les crédits d’étude qui suivront sont aussi acceptés – pour se résoudre à renoncer à ce projet disproportionné, d’un autre siècle et néfaste, alors que tous les voyants sont d’ores et déjà au rouge.

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Olivier Baud