Il y a un mois, le 4 mars, le premier malade mourait de COVID-19 en Suisse, un jour après le premier décès en Corée du Sud, et douze jours après le premier décès en Italie. À 13 h., aujourd’hui, la Suisse déplorait 620 victimes, 7,3 pour 100 000 habitants, soit une proportion identique à celle de l’Italie à l’issue d’un mois de pandémie, le 21 mars à la mi-journée, mais vingt-et-une fois supérieur à celui de la Corée dans le même laps de temps. Allons-nous continuer à suivre le chemin que l’Italie dans les jours à venir ?

Dans la Péninsule, la Lombardie, avec 1/6ede la population totale, compte 58% des victimes, alors que le Tessin, Vaud et Genève, avec 1/5ede la population suisse, en totalisent 54%, ce qui dénote dans les deux cas une forte concentration géographique de la pandémie, certes un peu moins marquée en Suisse. C’est une seconde analogie avec notre voisin du sud.

Observons maintenant l’évolution du nombre de victimes de COVID-19 en Italie, dès le début de la pandémie. Son taux de croissance, nous l’avons vu, est le même que celui de la Suisse durant le premier mois, mais il diminue de semaine en semaine à partir du début du 2emois : de 19% par jour, du 14 au 21 mars, à 11,0%, du 21 au 28 mars, et à 6,6%, du 28 mars au 3 avril. Cela n’empêche pas les chiffres absolus de décès de rester très élevés.

En Suisse, les taux de croissance du nombre de morts ont été globalement les mêmes que ceux de l’Italie durant le premier mois, si bien que la létalité due à COVID-19, nous l’avons vu, affiche un bilan identique : 7,3 décès pour 100 000 hab. Toutefois la dernière semaine de ce premier mois laisse augurer une évolution un peu plus favorable du nombre de morts en Suisse, puisque durant cette 4esemaine, il a crû chaque jour en moyenne de 14,6% en Suisse, contre 18,9% en Italie.

Il y a donc quelques raisons d’espérer que nous n’atteindrons pas les chiffres record de l’Italie dans 12 jours, soit 24,4 décès pour 100 000 hab. D’abord parce que l’exemple de la Péninsule a amené le Conseil Fédéral à prendre des mesures de confinement un peu moins tard. Ensuite, parce que nos infrastructures sanitaires, en dépit d’un recul comparable à ceux de l’Italie au cours de ces 20 dernières années – en particulier en termes de nombre de lits de soins intensifs –, partait d’un niveau notablement plus élevé.

Mais si nous comparons la Suisse à la Corée du Sud, le bilan helvétique est absolument pathétique. Après 1 mois d’épidémie, ce pays asiatique compte en effet proportionnellement 21 fois moins de morts que la Suisse (0,34 contre 7,3 pour 100 000 hab.) grâce à deux mesures préventives essentielles : la distribution de masques à la population et leur port généralisé dans l’espace public ; la politique de testage massif et de traçage des foyers d’infection dès le début de l’épidémie.

Pourquoi la Suisse n’a-t-elle pas suivi ce chemin ? Tout d’abord, parce qu’elle n’avait aucun stock de masques et que ce produit n’est toujours pas disponible aujourd’hui en pharmacie. Un fait assez surprenant pour un pays dont chaque immeuble ou presque est doté d’un abri antiatomique ! Ensuite, parce que le pays qui dispose de l’une des plus puissances industries pharmaceutiques au monde n’a pas été en mesure d’exiger d’elle qu’elle produise immédiatement des kits de dépistage pour les besoins locaux.

À cela, il faut ajouter que la Corée du Sud a connu une évolution à contre-courant du monde occidental en termes d’infrastructures de soins, et dispose aujourd’hui, proportionnellement à sa population, de deux fois plus de lits en soins intensifs que la Suisse.