M. Yves Bouvier propriétaire minoritaire de Geneva Freeport, a affirmé, dans un article paru le 4 avril 2022 dans le journal The Art Newspaper1, que contrairement à Luxembourg Freeport dont il est le propriétaire majoritaire, les Ports Francs en Suisse ne demandent pas l’identité du bénéficiaire final des biens entreposés. Les douanes se contentent de l’exigence « que la personne chargée des formalités administratives pour les marchandises déposées aux Ports Francs soit basée en Suisse ». Il poursuit en affirmant qu’il s’agit souvent d’un avocat ou d’un fiduciaire. Yves Bouvier soutient également avoir reçu « très peu de notifications des douanes concernant des individus faisant l’objet de sanctions ». L’auteur de l’article explique que « si un procureur peut bloquer la circulation des marchandises dans les Ports Francs suisses avec une relative facilité, il n’a aucun moyen de savoir ce qu’il recherche » ;
Par ailleurs le président des Ports francs Monsieur David Hiler, chargé par le passé de « nettoyer » les Ports Francs à la suite de plusieurs scandales, a pour sa part déclaré au Temps en novembre 2015 : « Nous aimerions introduire un processus de diligence raisonnable où chaque sous‐client de la société de fret louant l’espace serait inscrit dans un fichier anonymisé. Mais tant que la loi ne changera pas, nous ne pourrons pas les forcer à le faire.»
Dans le même article Monika Roth, professeure d’université et avocate suisse, évoque quant à elle l’affaire portée contre les oligarques russes Boris et Arkady Rotenberg par le Sénat américain dans ces termes: « Dans cette affaire, nous avons vu comment un port franc allemand a été utilisé pour échapper aux sanctions. Les [frères] avaient un intermédiaire qui agissait comme leur représentant dans les transactions.
Parce que son nom ne figurait sur aucune liste de sanctions, personne n’a rien vu de mal ». Elle rappelle également comment, dans l’affaire Rotenberg, un bénéficiaire ultime a été fourni, mais n’a jamais été trouvé malgré les efforts considérables déployés par le Sénat américain. Pour elle « Tant que les douanes suisses ne sont pas en mesure de vraiment vérifier qui est le bénéficiaire effectif, toutes les lois peuvent être très facilement transgressées. »,
Les questions posées au gouvernement sont les suivantes :
– L’essentiel des informations contenues dans l’article paru le 4 avril 2022 dans le journal The Art Newspaper reflète‐t‐il encore l’état des pratiques juridiques et administratives actuelles ?
– Est‐il exact qu’aujourd’hui encore les « propriétaires » des marchandises déposées aux Ports Francs sont principalement des avocats ou des fiduciaires?
– Y a‐t‐il, parmi les oligarques russes identifiés par le journal Forbes le 26 avril 2022 comme proches du président Vladimir Poutine des oligarques qui entreposent – ou qui ont entreposé – des marchandises aux Ports Francs ?
– Le Conseil d’Etat, actionnaire majoritaire des Ports Francs de Genève et autorité de surveillance de cette société, a‐t‐il établi la liste des propriétaires effectifs des marchandises comme David Hiller l’a soutenu en 2015 déjà et, à ce titre, en a-t‐il informé l’autorité fédérale en vue de saisir les éventuels avoirs des oligarques russes susmentionnés ?
Rémy Pagani
On attend avec impatience les réponses du Conseil d’Etat sans trop se faire d’illusion sur la transparence…
1 https://www.theartnewspaper.com/2022/04/04/freeport-secrecy-veils-oligarch-artassets
2 https://www.forbes.fr/business/le-guide-ultime-des-oligarques-russes-par-forbestout-ce-que-vous-devez-savoir-sur-la-riche-elite-russe-qui-a-profite-du-regne-devladimir-poutine/;