Déposée par l’association Bien vivre aux Pâquis, en collaboration avec d’autres associations du quartier, la pétition « Vivre ensemble aux Pâquis » a donné lieu à un important travail de commission. Plusieurs auditions ont ainsi établi clairement que la vidéosurveillance et les actions « coup de poing » de la police étaient totalement inefficaces pour réduire les nuisances liées au deal de rue, dont un certain nombre d’habitant·e·s se plaignent.

D’abord, le deal de rue n’est pas un problème d’offre, mais un problème de demande. Il joue un rôle marginal sur le marché des substances illégales, mais répond au besoin de consommateurs·trices dont les réseaux habituels font défaut ou à des personnes sans domicile fixe. La légalisation des drogues, un contrôle des produits, une prise en charge socio-médicale des addictions et une éradication du sans-abrisme seraient donc les seules réponses vraiment sérieuses à cette problématique.

Dans l’immédiat, la présence de policiers en uniforme n’intimide que les acheteurs·euses, des gens souvent socialement bien intégrés qui ont le plus à perdre à des contrôles. Quant aux dealers, leur interpellation aboutit le plus souvent à leur incarcération, voire à leur expulsion pour violation de la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers. Or, ils sont immédiatement remplacés par de nouveaux venus qui ne sont pas encore initiés par leurs pairs au comportement à adopter pour ne pas être importuner les habitant·e·s. Un remède donc pire que le mal !

Au-delà d’un renforcement de la présence policière de proximité, revendiquée par une partie du quartier, la pétition revendiquait surtout des mesures préventives plus efficaces, à moyen et long terme. D’abord, un dialogue avec les dealers pour qu’ils se conforment à certaines règles (se tenir à distance des écoles, ne pas pénétrer dans les allées des immeubles, etc.), que peuvent mener plus facilement des médiateurs·trices sociaux. Ensuite, une politique migratoire plus humaine et cohérente à l’égard des mineur·e·s non accompagnés. Enfin, des aménagements urbains qui encouragent l’investissement de la rue par les habitant·e·s.

Cette pétition entendait donc jeter les bases d’une politique de la drogue réfléchie. Malgré le soutien d’EàG, du PS, des Verts et du PDC, son renvoi au Conseil d’État a cependant échoué à deux voix près, faute d’une totale unanimité au sein des groupes qui la soutenaient – il faut dire que les verts étaient divisés en commission. Ceci a permis à Mauro Poggia de conclure les débats en admettant certes que l’éradication du marché de la drogue était impossible, tant qu’il y aurait une demande, mais que le rôle de la police était bien d’interpeler et d’expulser ceux qui se livraient à ce commerce illicite. On allait donc voir ce qu’on allait voir ! Voulant plaire aux un·e·s et aux autres, il montrait surtout qu’il n’avait rien compris…

Jean Batou