Lors de cette session, le parlement s’apprêtait à balayer majoritairement le projet de loi constitutionnelle, revanchard à l’égard de ses ex-collègues du MCG, du député Eric Stauffer rendant incompatible les fonctions de flic et de député. Mais Stauffer, plutôt que d’avoir le courage de laisser le débat se dérouler, l’a retiré.

Le PLR, qui défendait le projet avec ses alliés PDC, n’a pas osé le reprendre pour faire valoir ses arguments, estimant – sans doute – que Stauffer était un peu trop grillé pour lui être utile. Ce débat – avorté – aurait eu l’avantage de mettre en lumière la dérive autoritaire inquiétante du magistrat chargé de la police Pierre Maudet et de la Cheffe de la police Mme Bonfanti. Les deux ayant soutenu sans réserve le projet anti-démocratique de Stauffer en commission.

Une magouille subordonnant la Constitution à la loi sur la Police
Madame Bonfanti d’abord, en manifestant une méconnaissance de la hiérarchie …du droit. Elle a invoqué à l’appui du projet des problèmes de «coordination» entre la Constitution et la Loi sur la police (LPol), citant celle-ci et son exposé des motifs. Or la LPol est une loi, rédigée par Maudet, qui est l’auteur de ses aspects problématiques au regard de la Constitution. Et cette LPol a été adoptée telle quelle à une majorité d’une cinquantaine d’électeurs-trices seulement, après une campagne discutable du magistrat et avec l’appui aussi de la Cheffe de la police! Le procédé consistant à faire adopter une loi douteuse et anticonstitutionnelle, pour venir ensuite arguer de cette même inconstitutionnalité pour… plaider qu’on doit modifier la Constitution est choquant ! …et va au rebours de la hiérarchie du droit.

« On ne critique pas le gouvernement !» dit la cheffe de la police
La Cheffe de la police a plaidé en commission que l’art. 1 de la LPol a des exigences envers les policiers «En tout temps…» et que: «En tant que policier, on ne prend pas de position politique et on ne critique pas le gouvernement…» Ainsi, la liberté de critique du gouvernement, reconnue – pour combien de temps? – aux député-e-s ne saurait être étendue aux policiers, qui ne sauraient donc être élus député-e-s. CQFD. Le Conseiller d’Etat est allé globalement dans le même sens, indiquant que sa position était celle de tout le gouvernement… avec lequel Madame Bonfanti a admis avoir discuté avant son audition !

Derrière chaque flic, il y a et il doit y avoir un citoyen
Or notre conception est différente: quand le policier pose sa matraque, son képi, ou son uniforme… il a et doit avoir tous les droits d’un citoyen. Comme EàG l’écrivait dans notre argumentaire référendaire : Cette loi «ne reconnaît pas les droits des policiers comme travailleurs et comme citoyens. C’est grave! Car comment demander aux policiers de respecter ou faire respecter les droits des gens et les libertés publiques, s’ils en sont privés eux-mêmes? Or la loi sur la police considère que son personnel est jusque dans toute sa vie extra-professionnelle, soumis à des exigences d’«impartialité» et de conformité à la «dignité de leur fonction» avec l’Etat-employeur comme seul arbitre de ces notions. Pour nous, un policier hors-service, doit respecter les lois, pour surplus sa liberté d’engagement, comme celle de chacun-e, est entière!»

Ce n’est qu’un début, tous les travailleurs du secteur public sont visés
Quoi qu’il en soit, la fin misérable de ce projet réactionnaire est une excellente chose. Il n’était en effet, au-delà de la police, qu’un «poisson pilote» vers le rétablissement de l’incompatibilité, balayée en son temps par le peuple, pour tous les fonctionnaires… Citons le rapport «Une députée PDC est acquise à l’idée qu’on ne peut pas servir deux maîtres à la fois et se demande pourquoi le PL ne cible pas tous les fonctionnaires, ces derniers, par exemple, votent leur salaire !» EàG se battra contre ce projet antidémocratique visant à vider les travailleurs sociaux, les infirmières et les instituteurs du parlement… pour y faire place aux promoteurs, banquiers, avocats d’affaires…

par Pierre Vanek, député EàG,
pierre.vanek@gc.ge.ch