De prime abord, il faut se rappeler que la parcelle des Vernets est propriété de la collectivité du canton depuis de très nombreuses années. La transformation du site d’entrainement d’Epeisses fait partie d’un projet global d’adaptation des sites à usage civil et militaire du canton de Genève. L’objectif principal est de libérer celui des Vernets pour y construire des immeubles comprenant 1500 logements. C’est donc dans le cadre de la réorganisation des sites à disposition de l’armée à Genève que le site d’Epeisses est transformé et complété par un nouveau bâtiment à vocation d’instruction et de logement. Bien que ce site est déjà dédié à la formation des troupes d’aide en cas de catastrophe.

Comment se fait-il que ce soit au canton de débourser une somme aussi énorme incluant le dépassement ?

En effet, rappelons que le Grand Conseil a voté le 16 avril 2015 la loi 11578 ouvrant un crédit d’étude de 2 905 000 francs pour lancer les études. Quelques années plus tard le 31 août 2017, le Grand Conseil a voté la loi 12084 pour un crédit d’investissement de 34 467 400 francs. Soit un total de 37 372 400 francs auxquels il faut rajouter les 6 500 000 francs de dépassement, votez par une majorité de droite et du PS et des Verts lors de la dernière session. Cette opération aura donc coûté à notre collectivité la coquette somme de 43 872 400 francs.

Un dépassement de 6,5 millions

De ce dépassement, ils découlent principalement :

– des surcoûts induits par la présence de pollution du terrain sur le site de construction pour un montant de 2 500 000 francs ;

– des surcoûts liés aux adaptations à réaliser en raison du potentiel impact de la construction sur les eaux souterraines (pieux, géothermie, suivi) pour un montant de 2 700 000 francs ;

– des surcoûts liés aux aspects structurels du terrain, pour un montant de

800 000 francs.

Déjà en mars 2017, un rapport d’étude géotechnique indiquait la nécessité de réaliser des pieux pour la tenue du bâtiment et signalait la présence ponctuelle de pollutions aux hydrocarbures. Le mandataire estimait alors que les terres devraient être évacuées en décharge de terres peu polluées.

Une convention qui aurait dû prendre fin en 2025

En 2002, le Conseil d’État a signé la prolongation jusqu’en 2040 de la convention qui met le site des Vernets à disposition de l’armée. A l’époque, l’armée avait des projets d’envoi de troupes « de promotion de la paix » à l’étranger. Le Conseil d’État genevois avait misé sur Genève comme futur centre d’entraînement pour ces troupes. Avec l’abandon des ambitions internationales de la Suisse, la prolongation de la convention avait perdu sa légitimité et aurait dû être dénoncée par les autorités genevoises. Cette convention aurait donc dû prendre fin en 2025. Pourtant M. Maudet avec Mme Brunschwig-Graf, respectivement conseiller et conseillère d’État, ont fait en sorte de proroger pour plusieurs années l’implantation de l’armée à la caserne des Vernets, puis, quand elle a dû quitter les Vernets pour laisser la place à des logements, de faire participer financièrement le canton à la relocalisation de l’armée. Dès lors, il n’est pas insensé d’affirmer que les autorités, en prolongeant volontairement l’occupation du terrain des Vernets par l’armée (alors que partout en Suisse l’armée se désengageait de la plupart de ces places d’armes), puis en promettant le relogement de celle-ci dans les trois sites dont il est question plus haut, ont fait perdre à la collectivité beaucoup d’argent.

Les locataires des Vernets passeront à la caisse

Ce sont les futurs locataires des Vernets qui épongeront une partie de cette lourde facture à hauteur de 20,87 millions. En effet lors des votations, le 28 février 2016, la population genevoise a dû dire si elle accepte la loi ouvrant un crédit d’ouvrage de 20 millions de francs pour la reconstruction de bâtiments de stationnement de troupes contribuant à la libération du site des Vernets alors que l’on constate au final que c’est au bas mot de 43 872 400 francs dont il était question pour l’ensemble de l’opération. Rappelons-nous que c’est un crédit d’ouvrage de 20,87 millions de francs pour la reconstruction d’un bâtiment de stationnement des troupes militaires qui a été accepté à 68,51 % des voix.

Déclaration des autorités dans la brochure officielle lors des votations du

28 février 2016

Financement des différents projets d’aménagements

Les dépenses pour le déplacement et la rénovation des différentes infrastructures civiles et militaires se monteront à environ 73 millions de francs, dont 22 en provenance d’investisseurs privés.

(Les investisseurs privés étant les promoteurs du site des Vernets, donc les locataires au final — commentaire de l’auteur du présent article.)

On apprend dernièrement par la Tribune de Genève du 08.10.2021 que l’État va devoir une fois encore passer à la caisse pour dépolluer le site des Vernets : « Le coût de ces nouvelles découvertes sera assuré par le Canton, qui a dû provisionner 10 millions de francs pour évacuer la terre souillée ».

Sous l’ancienne caserne, on trouve des métaux lourds et des hydrocarbures.

Ces déchets proviennent des remblais historiques lors de la construction de la caserne, puis des activités sur place, selon la TdG.

C’est pourquoi bien que le dépassement de 6 500 000 francs à la loi 12084 soit déjà consommé et que les constructions sur le terrain d’Epeisse soient achevées, nous vous avons invité le Grand Conseil à refuser ce projet de loi pour protester contre cette manière de faire, notamment et plus particulièrement d’avoir ignoré les signes avant-coureurs d’un possible dépassement sur le site d’Epeisse et d’avoir surtout trompé la population en ce qui concerne la hauteur de l’engagement financier de l’ensemble de l’opération à la charge de la collectivité.

Rémi Pagani