Le 13 décembre la Chambre pénale d’appel de la Cour de justice rendait un arrêt concernant ce qu’il a été convenu d’appeler l’«affaire Maudet»… On y lit notamment que…

«… le législateur fédéral s’est toujours refusé à adopter des normes sur le financement politique, adoptant ce que la doctrine alémanique qualifie de “laissez-faire Model” […] nonobstant les critiques internationales du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) […] Le législateur genevois a adopté une disposition relative à la transparence du financement des partis, associations ou groupements qui déposent des listes de candidats lors d’élections ou des prises de position lors de votations (art. 29A de la loi sur l’exercice des droits politiques [LEDP]). En revanche, les autres entités activent politiquement, en particulier les comités de soutien qui ne déposent aucune liste ou prise de position ne sont pas soumises à des obligations.

Les associations de soutien d’un élu ne sont ainsi soumises à aucune règle, ni sur le plan fédéral, ni à Genève, nonobstant les conflits d’intérêts susceptibles de découler du financement indirect de candidats à des postes à responsabilité. Le MP a dès lors retenu que les paiements effectués par le groupe MANOTEL, y compris ceux qui avaient indirectement profité à l’appelant MAUDET, […] étaient des financements politiques, parmi d’autres, que le législateur suisse n’avait pas voulu réglementer alors qu’il était notoire que dans notre pays des groupes d’intérêts et des particuliers finançaient des partis politiques ou des comités de soutien à des fonctions politiques.»

Cette appréciation, de la situation juridique en matière de financement de campagnes politiques est préoccupante et appelle une réponse politique et législative. À ce sujet, le député EAG Pierre Vanek a posé trois questions au Conseil d’Etat.

  1. L’arrêt de la Cour indique que prévaut à Genève, en dernière instance, ce qu’il qualifie de «Laisser-Faire Model» qui permet de soustraire à la transparence des financements politiques instituée par la loi des montants de dons, potentiellement illimités, à la simple condition que ces financements ne transitent pas par les comptes des partis politiques déposant des listes ou ceux des entités déposant officiellement des prises de position.

Le Conseil d’État convient-il que dans cette situation l’art.29A de la LEDP sur la transparence de
financements politiques institue des obligations légales manifestement insuffisantes pour atteindre une
transparence satisfaisante, qui puisse tenir la route tant face aux critiques des instances internationales anti-
corruption (GRECO) qu’en réponse aux attentes légitimes des électeurs-trices genevois qui cherchent à former librement leur opinion, en connaissance de cause quant aux soutiens dont bénéficient ou non des candidat·e·s ou des projets soumis à leurs suffrages?

  1. La Cour a laissé entendre clairement que tout groupe privé (Manotel en l’occurrence… mais le principe vaut pour toute entreprise ou personne dotée de fonds suffisants) pouvait en l’état du droit, sans être sujette à des obligations de transparence, financer des activités (fêtes ou évènements de campagne d’autre nature, sondages ou campagnes de pub directe, etc.) comme aussi subventionner toute entité ad hoc (Cercle, triangle ou dernier carré… non-déposant direct de liste ou de prise de position) œuvrant à Genève en faveur de n’importe quelle cause politique, que cela soit l’élection d’un·e ou de plusieurs candidat·e·s comme du OUI ou du NON à tel ou tel initiative ou référendum…

Le Conseil d’État convient-il que, si comme on peut le lire dans l’Arrêté de la Cour, il n’y avait pas d’obligation légale de déclarer les montants versés notamment par Manotel et évoqués dans le cadre de l’«affaire Maudet», il y avait pour le moins une obligation morale et politique de le faire… mais surtout convient-il qu’on ne peut pas en la matière se contenter de compter sur des obligations de cet ordre et qu’il faut instituer des «règles du jeu» légales qui balisent clairement ce qui est autorisé ou non en la matière?

  1. Le Grand Conseil a renvoyé au printemps en commission un PL 12310-A d’EAG et du soussigné («Le Grand Conseil n’est pas à vendre!») qui avait fait l’objet d’une entrée en matière unanime de tous les partis en commission et d’une longue mise au point en sous-commission des droits politiques. Ce PL visait un resserrement des dispositions légales concernant la transparence et un plafonnement des montants potentiellement investis par des privés dans les campagnes politiques.

Le Conseil d’État avait en son temps refusé de soutenir ce projet ou d’en proposer une variante ou une alternative qui évite qu’on ait une façade (l’art. 29A LEDP) derrière laquelle le business as usual d’un financement privé illimité de campagnes au GC ou au CE puisse se développer. N’est-il pas temps à la lumière du jugement cité en préambule à cette question de réviser cette politique de «laisser-faire» et d’avancer rapidement vers des normes nouvelles qui puissent déployer leurs effets au printemps 2023 déjà lors des prochaines élections cantonales?

Pierre Vanek