Le Grand Conseil a vu un déferlement islamophobe douteux vendredi à l’occasion du traitement de deux pétitions s’opposant à l’agrandissement du centre islamique sis aux Eaux-Vives, la P2123 et la P2132…

Au motif qu’ils·elles n’étaient pas d’accord avec les idées des animateurs de ce Centre, que ce serait une « base des frères musulmans à Genève », des partis de droite, PLR en tête, UDC dans leur sillage et PDC en renfort… voulaient voir le parlement voter son appui à deux pétitions remettant en cause les autorisations régulièrement accordées pour les travaux d’extension dudit centre…

La majorité du parlement a résisté (à 41 voix contre 35) et suivi la majorité de la commission des pétitions, refusant d’appuyer les pétitionnaires. Les autorisations pour les travaux en question ont été régulièrement accordées, conformément aux lois en la matière et l’idée qu’il faudrait les remettre en cause pour des motifs liés au rejet des opinions ou des idées exprimées entre les murs en question est attentatoire à la liberté d’opinion, à la liberté d’association et à la laïcité de l’État de Genève !

Pour EAG, Pierre Vanek s’est exprimé, en défendant une conception libérale, au bon sens du terme, en rappelant en particulier ce que disait la constitution genevoise de 1847, dans son dernier état, en la matière.

Elle affirmait à l’art.165: «Les cultes s’exercent et les Eglises s’organisent en vertu de la liberté de réunion et du droit d’association. Leurs adhérents sont tenus de se conformer aux lois générales ainsi qu’aux règlements de police sur leur exercice extérieur.»

Ainsi pour lui, soit les activités organisées au sein dudit Centre islamique, ou dans telle banque ou dans tel temple ou dans tel établissement public genevois… enfreignent les lois générales (valables pour toutes·tous de manière identique) et c’est alors une affaire du ressort de la police d’abord et de la justice ensuite… soit on doit laisser s’y exercer la liberté la plus étendue en matière d’opinion et d’association.

L’idée de traiter ce centre, en matière d’autorisations de construire, à une aune particulière parce qu’il serait islamique et non bouddhiste ou chamanique ou catholique ou évangélique ou juif… ou rationaliste ou matérialiste ou de quelque autre couleur ou saveur philosophique que ce soit représenterait une « laîcité à géométrie variable » particulièrement obscurantiste.

Gare au totalitarisme capitaliste

Si on n’est pas d’accord avec des idées, c’est au plan des idées qu’il faut les combattre, pas par des mesures administratives ou de police… De ce point de vue, l’intervention de la députée PLR De Planta faisait particulièrement froid dans le dos, appelant à ne pas « séparer ce que voit l’œil droit de ce que voit l’œil gauche » et à combattre sur tous les plans et par tous les moyens de police possible les « visions du monde » qui n’étaient pas siennes… elle annonçait ainsi potentiellement les pires dérives liberticides.

Ensemble à Gauche, par exemple, défend des idées parfaitement contradictoires avec la « vision du monde » capitaliste du PLR… nous remettons en cause la liberté du commerce et de l’industrie, le droit de propriété privée des moyens de productions, le primat du marché, et bien d’autres choses tenues pour « sacrées » par la doxa néolibérale… Pendant combien de temps aurons-nous le droit de nous battre démocratiquement pour ces idées à Genève, pendant combien de temps pourrons nous les propager, si la vision totalitaire qu’on a entendu dans la bouche de Mme de Planta se répand dans nos murs… ?

Cette députée a plaidé ouvertement contre une «laïcité inclusive» et pour une conception de la laïcité tolérante – en fait – des seules idées qu’elle partage elle-même avec elle-même. Mais si on ne peut tolérer que les idées ayant cours au Centre islamique des Eaux-Vives soient acceptées sur quelques étages de plus… demain, on dira qu’il faut tout bonnement le fermer !

Et combien de temps alors tolérera-t-on des officines communistes dans nos murs? C’est l’esprit de l’interdiction du PC dans les années brunes qui a vu des députés communistes élu·e·s par les Genevois-es éjectés du Grand Conseil en 1937, qui s’exprimait par la bouche de la députée PLR.

Si elle veut en découdre – et elle en a le droit bien sûr – avec les idées, ou telles ou telles idées, de Hani Ramadan ou avec celles des Frères musulmans, qu’elle débatte publiquement avec eux… qu’elle cherche à convaincre les partisans de celles-ci, qu’elle ne se réfugie pas derrière la police des constructions !

Pour une laïcité inclusive et tolérante…

James Fazy – dont NOUS à EÀG sommes des héritiers·ères, pas le PLR ! – a permis en son temps aux Catholiques, aux Anglican·e·s, aux Orthodoxes, aux Juifs, aux Francs-Maçons… de bâtir leurs églises et leurs temples dans sa Genève ouverte (par la destruction des remparts) et laïque… pas parce qu’il était à l’unisson de la pensée juive, catholique ou orthodoxe… mais parce qu’il savait qu’il fallait pour faire vivre la démocratie à Genève, briser le monopole théocratique calviniste sur notre cité ! S’il y avait eu assez de Musulman.e.s à Genève à l’époque, nul doute qu’il leur aurait offert aussi de bâtir le leur de Centre islamique…

Enfin, nombre d’orateurs·trices à droite ont poussé dans ce débat des hauts cris au nom du droit des femmes qui seraient bafoués par les idées islamiques… Peut-être, mais combien d’Églises catholiques tolérons nous – à juste titre – dans ce canton, des églises où jamais une femme n’a pu dire une messe, contrairement aux dispositions de la constitution fédérale sur l’égalité… ou jamais une personne, divorcée régulièrement au regard de nos lois, n’a pu se remarier… sans parler de biens d’autres sujets.

Faut-il pour autant, proscrire, bannir ou ostraciser l’Église catholique romaine dans nos murs… C’est ce qu’ont essayé à Genève les promoteurs du Kulturkampf au 19e siècle… en acceptant seule comme digne de Genève une église catholique « nationale » bien proprette et conforme à leur vision du monde. Ils ont dû faire marche arrière et rendre leurs églises confisquées aux catholiques romains… Rappelons-nous en et gardons-nous des mêmes dérives !

Pierre VANEK