On sait que le Comité de la CPEG, sous pression directe du Conseil d’Etat, après avoir décidé une hausse d’un an de l’âge pivot, dès le 1er janvier 2018, prépare des mesuresqui vont susciter une dégradation historique de son plan de prestations. Les assurés actifs pourraient y perdre jusqu’à 20% de leurs retraites futures !

Responsables de cette attaque violente: d’abord la loi fédérale du 17 décembre 2010, qui oblige les caisses publiques en capitalisation partielle à atteindre un taux de couverture de 80% d’ici 2052; ensuite, une érosion continuelle du taux technique de référence, décidé par la Chambre suisse des experts en caisses de pension (CECP), qui contribue à réduire le taux de couverture de la CPEG, en dépit des efforts des assurés et des bons rendements de la fortune (6,48% en moyenne sur les 5 dernières années).

Le mauvais rendement de l’année 2015 (-0,4%), lié à la suppression du taux plancher de l’euro et à l’introduction de taux négatifs, a conduit au premier choc psychologique amenant l’expert agréé de la Caisse à recommander une thérapie de choc. Après la décision du 3 novembre du Comité d’élever l’âge pivot d’un an, le Conseil d’Etat a pris un Arrêté désignant Me Eric Alves de Souza, en remplacement de M. Pierre Béguet, «en qualité de président des représentants de l’employeur au comité de la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève».

Cette décision est contraire à la loi, puisque la LCPEG (art. 44) autorise l’exécutif à désigner les «représentants de l’employeur», mais pas le président. Me Alves de Souza a donc été ratifié par la délégation employeur, mise devant le fait accompli, qui avait pourtant seule la compétence de l’élire. Et contrairement à ses prédécesseurs, il n’est pas indemnisé seulement par la CPEG, comme le prévoit le règlement de la Caisse pour garantir son indépendance, mais reçoit une indemnité de 450 Fr./heure du Conseil d’Etat (les sommes reçues de la CPEG sont déduites de cette rémunération).

On peut se demander si cette double casquette n’entre pas en contradiction avec la LCPEG (art. 54, al. 1) qui stipule que «Les personnes chargées de gérer ou d’administrer la Caisse (…) sont tenues (…) de servir les intérêts des membres salariés de la Caisse dans l’accomplissement de leurs tâches. A cette fin, elles veillent à ce que leurs situations personnelle et professionnelle n’entraînent aucun conflit d’intérêts». Or, Me Alves de Souza remplit-il ces conditions en œuvrant à la fois pour la CPEG, à l’adaptation de son Plan de prestations, et pour le Conseil d’Etat?

En agissant à la hussarde pour faire nommer Me Eric Alves de Souza «président de la délégation employeur» au comité de la CPEG, le Conseil d’Etat a-t-il enfin pris toutes les garanties sur cette personnalité, qui apparaît pourtant dans le listing des Panama Papers? Nous avons interrogé à ce propos Coralie Guillot, assistante parlementaire de l’eurodéputée Eva Joly, vice-présidente de la Commission d’enquête européenne sur le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale et la fraude. Voilà ce qu’elle nous répond:

«Cet avocat est actionnaire d’une entreprise créée aux British Virgin Islands (BVI) en 2008 (dissoute en 2011), elle-même actionnaire d’une fondation basée au Panama et enregistrée à l’adresse des bureaux de Mossack Fonseca. Il semble également avoir des liens avec les Émirats Arabes Unis. Cela pourrait effectivement indiquer une volonté de cacher quelque chose sous plusieurs couches de secrets (pots de vin ou autre). Après, évidemment, sans preuve concrète, on ne peut rien conclure».

Comment le Conseil d’Etat peut-il être vraiment certain que Me Alves de Souza puisse «offrir toutes les garanties d’une activité irréprochable» (LCPEG, art. 51, al. 1)? A une question urgente écrite du 23 février, le Président du Conseil d’Etat, M. François Longchamp m’a répondu que l’intéressé et le Conseil d’Etat ignoraient que son nom figurait sur le listing des Panama Papers, que son mandat financier pour le compte d’un client avait duré de la fin 2008 à la fin 2010, qu’il avait été déclaré et contrôlé par l’autorité fédérale compétente, et qu’aucun des dossiers financiers qu’il avait été amené à traiter dans le cadre de sa carrière n’avait jamais donné lieu à une quelconque procédure judiciaire et disciplinaire ni à quelque incident que ce soit. Dont acte.

EAG a alerté différents organismes internationaux qui travaillent sur l’analyse des Panama Papers et nous ne manquerons pas de poser d’autres questions au Conseil d’État si des éléments supplémentaires devaient être portés à notre connaissance. (À suivre)

par Jean Batou, député EàG,
jean.batou@gc.ge.ch