A l’issue de la session extraordinaire de la semaine dernière, Ensemble à Gauche (EàG) a déposé plusieurs interpellations et motions réclamant notamment un impôt de solidarité sur les grosses fortunes, une augmentation et un élargissement des aides publiques en faveur des personnes précarisées par la crise ou encore la régularisation collective des sans-papiers. Vous pouvez découvrir ces objets ci-dessous. EàG poursuit imperturbablement la lutte pour que la voix du monde du travail, des oublié·e·s, des exclu·e·s, soit entendue au parlement!


Motions


Un impôt fédéral de solidarité sur la fortune, afin de financer les mesures de lutte contre le COVID-19 et la crise économique et sociale qui l’accompagne

Les conséquences sanitaires et sociales de COVID-19 ne sont pas les mêmes pour toutes et tous. Elles touchent avant tout le monde du travail, et en son sein, les secteurs les plus précaires et tous ceux qui sont au front, en majorité féminins. Dès lors, les mesures mises en place visant à lutter contre les effets sociaux de cette crise doivent être financées de manière solidaire. Il faut absolument éviter de les financer en ponctionnant les revenus du travail afin d’épargner la large frange de la population déjà touchée par la crise et de maintenir ses revenus.

Dès lors, taxer les grosses fortunes à hauteur de 1% parait une mesure proportionnée et raisonnable. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement qu’il dépose un projet d’acte de l’Assemblée fédérale afin de lever un impôt de solidarité sur la fortune prévoyant un prélèvement fédéral limité dans le temps, dès 2021, et pour trois ans, d’un montant de 1% sur la part des fortunes qui dépassent 2 millions de CHF. Cet impôt de crise devrait rapporter annuellement un peu moins de 10 milliards de francs afin d’alimenter le fonds créer pour répondre à la crise sans péjorer les conditions d’existence des personnes déjà fragilisées: précaires, sans-emplois, salarié·e·s et petits indépendants.

Demande adressée au Conseil fédéral

Le Conseil fédéral est chargé de déposer un projet d’acte de l’Assemblée fédérale afin de lever un impôt de solidarité sur la fortune prévoyant un prélèvement fédéral limité dans le temps, dès 2021, et pour trois ans, d’un montant de 1% sur la part des fortunes qui dépasse 2 millions de francs.


Pour le bien de toutes et tous, ne pénalisons pas les revenus des personnes s’étant retrouvées sans travail à cause de COVID-19

Le nombre de personnes au chômage ou au chômage partiel a explosé ces derniers mois. Parmi elles, de nombreux·ses salarié·e·s déjà précarisé·e·s, qui ont été licencié·e·s, ne perçoivent aujourd’hui que 70% à 80% de leurs revenus au travers d’indemnités journalières. Il en va de même pour les personnes au chômage partiel, qui ne couvre que 80% des revenus. Bon nombre de salarié·e·s qui étaient déjà précaires se retrouvent ainsi dans une situation encore plus difficile. Afin de remédier à cette situation, il conviendrait de garantir aux personnes au chômage des indemnités journalières s’élevant à 100% du gain assuré tant que durera la crise sociale et économique, jusqu’à concurrence de 1.5x le revenu médian, soit 9750 francs bruts par mois. Concernant le chômage technique, le revenu devrait également être couvert à 100% avec la même limite.

Il en va de même en ce qui concerne les petit·e·s indépendant·e·s. Parmi elles/eux, de nombreuses personnes restent privées d’accès à des prestations pour perte de gain. Il s’agit notamment de personnes actives dans les domaines de l’économie domestique, de la culture, du travail du sexe ainsi que des personnes sans titre de séjour. Ces mesures contribueront à éviter que la crise économique et sociale ne s’installe longuement et constitue une véritable mesure de lutte contre la pauvreté.

Demande adressée au Conseil fédéral

Le Conseil fédéral est chargé de légiférer afin de garantir le revenu des personnes au chômage ou en RHT à 100%, jusqu’à concurrence de 1.5x le revenu médian, soit 9750 francs bruts par mois, tant que durera la crise sociale et économique due au COVID-19. Une mesure analogue est prise en faveur des petit·e·s indépendant·e·s. Ces mesures s’appliquent dès que possible.


Régularisation collective des sans-papiers et garantie d’accès aux aides sociales à toute la population

Alors que la pandémie fait rage et que les mesures visant à l’endiguer se sont multipliées, une catégorie de la population a été oubliée par les autorités: il s’agit des personnes sans statut légal, pour qui l’accès à la santé rime souvent avec la peur, voire le risque réel de se faire dénoncer et renvoyer. Afin de permettre l’accès aux soins à toutes et tous, cette motion réclame la régularisation de l’ensemble des personnes sans titre de séjour ou faisant l’objet d’une décision de renvoi en vertu de la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI), qui prévoit qu’il « est possible de déroger aux conditions d’admission afin de tenir compte d’intérêts publics majeurs ».

D’un point de vue sanitaire, régulariser les sans-papiers c’est leur permettre un accès aux soins, mais aussi protéger l’ensemble de la population en limitant la propagation de la pandémie. Le cas de Singapour plaide en faveur d’une telle mesure: ex-bon élève du COVID-19, la ville-État a vu le nombre de ses nouvelles infections exploser en avril, la maladie s’étant propagée très rapidement parmi les travailleurs·euses immigré·e·s, oublié·e·s des politiques publiques liées au COVID-19.

Alors que l’épidémie perdure, cette mesure s’impose dans le cadre de la stratégie de déconfinement. Si une frange de la société devait craindre d’être renvoyée en se faisant tester ou en se rendant à l’hôpital, cela pourrait en effet nuire aux efforts consentis pour endiguer la pandémie. De plus, alors que la crise sanitaire va se doubler d’une crise économique et sociale, la régularisation collective garantit le droit à des moyens d’existence dignes. Mais elle n’est pas suffisante. Afin d’assurer à toutes et tous un accès aux aides sociales, il est également indispensable de suspendre l’application de plusieurs articles de la LEI, qui font planer sur les personnes titulaires de permis qui recourent aux aides sociales la menace d’un retrait de permis, d’un non-renouvellement ou même d’un renvoi.

Demande adressée au Conseil fédéral

Le Conseil fédéral est chargé de permettre la régularisation collective de l’ensemble des personnes résidant en Suisse sans titre de séjour valable ainsi que de toute personne faisant l’objet d’une décision de renvoi (art. 30, al. 1, l. b LEI). Il exige des cantons qu’ils mettent en œuvre cette mesure dans les plus brefs délais. Le Conseil fédéral suspend également l’application des art. 62 al. 1 l. e et 63 al. 1 l. c de la LEI.


Réquisitions d’urgence afin permettre la planification de la production et la distribution des biens et services indispensables à la protection sociale et sanitaire des habitant·e·s

Les réquisitions sont prévues par la législation. En temps de crise aiguë, ces réquisitions permettent de répondre sans délai aux besoins de la population et d’assurer, autant que possible, une autosuffisance dans la production et l’approvisionnement de la population en biens et services nécessaire à sa protection sociale, sanitaire et alimentaire.

De telles dispositions permettent aux autorités d’avoir une maîtrise sur la production et la distribution, que les acteurs du marché libre sont en incapacité de maîtriser par eux-mêmes, impactant ainsi négativement l’organisation de la réponse à la crise. Elles ont également un avantage financier pour les collectivités publiques, puisque les réquisitions offrent la possibilité de connaître les prix réels de production et d’adapter le prix d’achat en fonction.

Les réquisitions sont également cruciales pour la maîtrise, la protection et la réparation des risques environnementaux qui découlent de la gestion de crise. D’autre part, les réquisitions permettent de garantir la transparence et la mise à disposition gratuite des découvertes scientifiques et des protocoles de production, ce qui permet rapidement de lancer des productions de matériel et de médicaments de façon massive.

Demande adressée au Conseil fédéral

Le Conseil fédéral est chargé de prendre les mesures de réquisitions d’urgence notamment dans les secteurs suivants: secteur hospitalier privé, pour pérenniser la gestion publique de tout le système hospitalier; secteur textile pour produire des masques; entreprises de production de matériel sanitaire; secteurs industriels dont l’activité peut être orientée vers la production de matériel sanitaire et d’équipement hospitalier manquants (gel hydroalcoolique, masques, respirateurs, etc.); laboratoires pharmaceutiques et d’analyses médicales pour la recherche, la production de tests, de médicaments et d’un éventuel vaccin; industrie pharmaceutique pour s’assurer d’un stock suffisant de médicaments et planifier la production dans ce secteur; production et distribution alimentaire, pour garantir l’approvisionnement et contrôler les prix des biens alimentaires. Cette liste peut être complétée.


Interpellations


Qui va payer la crise sanitaire, sociale et économique générée par la pandémie?

Les Chambres ont voté toute une série de mesures exceptionnelles, chiffrées à plusieurs milliards, visant à aider de nombreuses entreprises à faire face à la crise économique générée par la pandémie. En même temps, les mesures en faveur de la majorité de la population, classes populaires, personnes précaires, salarié·e·s, chômeurs·euses ou personnes en RHT, sont cantonnées à des rallonges en faveur de mécanismes préexistants, assurance chômage ou APG notamment, rendues nécessaires par l’augmentation du nombre de personnes prises en charge par ces dispositifs. Pas de mesures exceptionnelles pour cette majorité de la population, dont une partie n’a même pas eu accès à des prestations ordinaires, du fait de l’absence d’un statut légal notamment. 

La question de la prise en charge du coût des mesures exceptionnelles en faveur de l’économie se pose. Afin de faire face à l’augmentation des charges liées à la crise, le Conseil fédéral a annoncé qu’il tablait sur un exercice déficitaire à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de francs. Dans les cas d’une prise en charge de ce déficit via des augmentations d’impôts touchant l’ensemble des contribuables ou de coupes dans les prestations sociales, la majorité de la population devrait passer à la caisse, ce qui est totalement injuste et inconcevable…

Ne faut-il pas considérer une hausse du taux d’endettement de la Suisse comme un bienfait,  dans un contexte où tous nos partenaires, déjà infiniment plus endettés que nous, doivent encore alourdir massivement leur dette publique, ce qui risque dès lors d’exercer une pression insoutenable à la hausse sur le franc suisse?

Questions au Conseil fédéral

Comment le Conseil fédéral compte-t-il absorber ce déficit? Le Conseil fédéral entend-il revoir l’imposition des personnes morales? Le Conseil fédéral entend-il revoir l’imposition des personnes physiques? Le Conseil fédéral entend-il renforcer le prélèvement de taxes existantes ou en lever de nouvelles? L’hypothèse de lever un impôt de solidarité sur les fortunes supérieures à 2 millions est-elle envisageable? L’hypothèse de voir baisser significativement les achats de matériel militaire n’est-elle pas indispensable? Enfin, l’hypothèse de voir une partie des bénéfices de la BNS affectée à la prise en charge de ce déficit est-elle envisageable?


Dans l’intérêt de l’ensemble de la population, garantir l’accès aux soins et aux prestations sociales à toute la population

Alors que la pandémie fait rage et que les mesures visant à l’endiguer se sont multipliées, des catégories de la population sont oubliées par les autorités. Il s’agit des personnes sans statut légal, pour qui l’accès à la santé rime souvent avec la peur, voire le risque réel de se faire dénoncer et renvoyer; ainsi que des personnes ne parvenant pas à assumer la charge financière liée à l’assurance-maladie et qui ne recourent bien souvent pas aux services de santé, même en cas de maladie. Ainsi, de 3,5% à 5% de la population renoncerait aux soins. D’un point de vue sanitaire, garantir l’accès de ces populations aux soins permet de protéger l’ensemble des habitant·e·s en limitant la propagation de la pandémie. Le cas de Singapour l’illustre parfaitement: ex-bon élève du Covid-19, la ville-État a vu le nombre de ses nouvelles infections exploser en avril, la maladie s’étant propagée très rapidement parmi les travailleurs·euses immigré·e·s et précaires oublié·e·s des politiques publiques liées à COVID-19.

Alors que la crise sanitaire va se doubler d’une crise économique et sociale, il est indispensable d’assurer des moyens d’existence dignes à l’ensemble de la population. L’explosion de la demande en aides alimentaires a rendu visible une population, souvent dépourvue de permis de séjour, qui vivait de petits revenus avant la crise et passe désormais au travers des mailles du filet social. Et ce ne sont pas les seuls: certains articles de la LEI, font planer la menace d’un renvoi sur des personnes titulaires de permis qui recourent aux aides sociales, les dissuadant ainsi d’y faire appel

Questions au Conseil fédéral

Le Conseil fédéral pense-t-il prendre des mesures permettant d’assurer la gratuité des soins liés à COVID-19 pour ces populations ne sont-elles pas indispensables? L’exonération de franchise et de quote-part de ces prestations serait-elle possible en faveur de l’ensemble de la population? Au vu de la crise sociale et économique profonde qui s’ouvre, des mesures permettant l’accès des personnes sans statut légal aux prestations sociales sont-elles prévues? L’extension des prestations d’APG ou d’aide sociale au profit de ces populations est-elle envisageable?  N’est-il pas temps d’éliminer de la LEI les  articles 62 al. 1 l. e et 63 al. 1, l. c ? Enfin n’est-il pas indispensable de régulariser les sans-papiers?


Covid-19 et système de santé: non à la compétitivité sur la vie

Depuis la mi-mars 2020, la nécessité du renforcement du système de santé en Suisse s’est exprimée de toutes parts au sein de la population. Les applaudissements aux fenêtres chaque soir à 21h00 par une population semi-confinée tendent à le démontrer de manière éloquente. L’impératif d’un système de santé qui garantisse à la population les meilleures conditions de soins, en matériel et en personnel, a été perçu par une partie toujours plus importante de la population. Contre la compétitivité à tout prix, cette crise nous apprend qu’il est grand temps d’assurer le bien-être de la population, en particulier en matière de santé.

Or le Conseil fédéral a mis en consultation une révision de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) en février 2020, qui prévoit que les coûts des hôpitaux ne soient plus remboursés que sur la base des coûts du 25% des établissements les plus économes (au lieu des coûts des 40% des établissements les moins chers, jusqu’ici). Une mesure qui va à l’encontre des besoins du plus grand nombre et en particulier du personnel de santé, toujours plus stressé et épuisé et auquel il a été demandé de faire l’impossible ces dernières semaines. La révision de cette ordonnance a été mise en consultation en février 2020, le jour suivant la première déclaration de l’OMS concernant Covid-19.

Questions au Conseil fédéral
Quels enseignements en tire le Conseil fédéral ? Quelles mesures compte prendre le Conseil fédéral pour pallier les difficultés liées au mantra de la «compétitivité  à tout prix » mises en lumière par la crise sanitaire ? Un retrait de cette proposition de révision de l’ordonnance ne serait-il pas un premier pas dans la bonne direction ?