Le temps des consommateur·trices n’appartient pas aux entreprises du commerce de détail. Pourtant, en raison de la fermeture de la majorité des caisses, les queues s’allongent et ielles n’ont que la possibilité de faire la queue aux caisses s’ils ne veulent pas utiliser les caisses automatiques. Beaucoup de gens y renoncent. C’est ainsi que les grandes surfaces entendent amener les client.es à se résigner à faire eux·elles-mêmes une partie du travail qui incombe à l’entreprise et surtout à contribuer à réduire les effectifs du personnel et à transformer la nature même de son travail.

Le temps de travail des caissiers·ères libéré par le transfert sur les caisses automatiques est immédiatement réaffecté à des tâches de contrôle des client·e·s, de réalimentation des rayons ou de récupération des paniers, etc… Une polyvalence qui impose des rythmes soutenus et bannit les moments de répit entre les client.es.

 Le groupe EàG était favorable à l’entrée en matière sur le PL 12064 car il pose des questions qui ne doivent pas être esquivées, celles de l’introduction de nouvelles technologies dans le monde du travail et de l’automatisation des tâches qui en découlent et de leurs impacts sur les postes de travail, notamment dans les secteurs des services et de l’industrie. Cette transformation en profondeur de l’organisation du travail doit absolument faire l’objet de débats, de réflexions sur l’augmentation du chômage structurel et sur le financement par la fiscalité des services publics, de même que sur le financement des assurances sociales et la sécurité sociale.

Or, si le groupe EàG partage la préoccupation de l’auteur du projet de loi, nous ne pouvons souscrire aux réponses qu’il propose. Créer une taxe sur les caisses automatiques afin de financer une fondation qui financerait à 70 % des entreprises n’utilisant pas de caisses automatiques et à 30 % la formation afin de permettre le reclassement des « Exclu·e·s de l’automatisation » de leurs emplois ; n’est pas la bonne réponse. Ce projet de loi ne protège pas l’emploi. Il n’agit pas sur les conditions de travail de personnel du commerce de détail fortement dégradées par l’introduction des caisses automatiques. De plus, il affecte l’essentiel de la taxe envisagée aux entreprises et non aux travailleurs·euses qui sont lésé·e·s par cette transformation de l’organisation du travail.

Le point central de la réflexion est celui de la redistribution des gains de productivité et la problématique du chômage structurel. Depuis les années 60 la productivité continue d’augmenter. Or, les salaires ne suivent pas, les salarié·e·s n’en bénéficient pas. Une taxe sur les caisses automatiques serait plus opportune pour financer la réduction du temps de travail qui s’impose, non seulement pour améliorer la qualité de vie des travailleurs·euses mais tout autant pour créer des postes de travail. Elle permettrait comme le préconisaient les représentant·e·s des syndicats de financer des formations gérées paritairement, de favoriser des retraites anticipées ou une meilleure conciliation vie privée/vie professionnelle, de compléter les mesures du chômage pour les personnes licenciées suite à l’automatisation de leurs postes de travail ou améliorer les prestations pour les chômeur·euses âgé·e·s. La liste n’est pas exhaustive. La réflexion est ouverte.

Pour ces motifs, le groupe EàG n’a pas soutenu ce projet de loi, une majorité du parlement a également refusé ce texte, mais vraisemblablement pas pour les mêmes raisons. Nous estimons qu’il est indispensable de poursuivre la réflexion dans la direction dessinée par la CGAS.

Jocelyne Haller