Le Conseil d’Etat est prêt à tout pour démanteler la CPEG. Lors de la session parlementaire de la semaine dernière, le gouvernement a improvisé et rajouté en urgence à l’ordre du jour un projet de loi brouillon, de dernière minute, visant à résoudre la difficulté créée par l’adoption simultanée de deux lois contradictoires concernant la CPEG. Ensemble à Gauche estime que cette loi modifiant l’exercice des droits politiques, votée par une majorité du Grand Conseil et assortie d’une clause d’urgence – ce qui permet son entrée en force nonobstant référendum -, pose problème politiquement et juridiquement. Deux recours sont déposés. 

Rappel des faits
Deux lois contradictoires concernant la CPEG ont été adoptées par le Grand Conseil en décembre 2018, grâce au vote ambigu du groupe des Verts qui a soutenu les deux lois. Il s’agit des PL 12228 d’EàG, du PS, des Verts et du MCG, accepté par une majorité absolue des député-e-s, qui défend les retraites du secteur public et le logement versus le PL 12404 du Conseil d’Etat et de la droite, accepté lui par une majorité relative, qui sabre les retraites du secteur public et qui envisage de jeter des milliards à la bourse. Malgré le caractère apparent de cette incompatibilité, le Conseil d’Etat n’a pris aucune des diverses mesures qu’il a à sa disposition afin d’éviter une telle situation. Deux référendums, un de la droite et un de la gauche, ont été lancés contre ces lois. Fin janvier, le Grand Conseil a encore complexifié l’équation en acceptant l’initiative populaire ASLOCA CARTEL « Sauvegarder les rentes en créant du logement », un troisième texte sur le même sujet, proche mais pas identique à la loi 12404. Cette initiative a été publiée dans la Feuille d’avis officielle le 1er février 2019. Le PLR et le PDC ont annoncé aujourd’hui même, mardi 5 février, le lancement d’un troisième référendum contre la loi qui découle de cette initiative.

Un Conseil d’Etat à la ramasse
Refusant obstinément de ne retenir que le projet le plus largement accepté en abandonnant son propre projet, le Conseil d’Etat a tenté de régler ce problème en improvisant une modification de la Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP – PL 12424) prévoyant une question subsidiaire pour trancher entre deux lois incompatibles, en cas d’acceptation des deux en votation populaire. Il a été suivi sur cette voie par une majorité du Grand Conseil. Cette modification de la LEDP, ainsi que l’arrêté du Conseil d’Etat qui a suivi et fixe les objets soumis au vote populaire le 19 mai, pose problème sur le fond et sur la forme.

Des procédés antidémocratiques
Les raisons juridiques et politiques pour lesquelles le PL 12424 du Conseil d’Etat n’est pas viable sont multiples, citons-en quelques-unes:

  • Il impose sans base constitutionnelle une modification importante de nos droits politiques en improvisant une version du «référendum à variantes et à question subsidiaire» qui a été refusé le 24 juin 2010 par la constituante genevoise à une majorité supérieure aux deux tiers.
  • Or une base constitutionnelle est manifestement nécessaire pour une telle modification importante de nos droits politiques. Les dispositions concernant les référendums et leur traitement sont en effet gravées dans la constitution, comme pour les initiatives. Quand la question subsidiaire en matière d’initiative a été introduite, cela est passé par une modification constitutionnelle.
  • Circonstance aggravante: le Conseil d’Etat a fait passer cette réforme en un débat urgent et unique d’une demi-heure en plénière du Grand Conseil, sans aucun renvoi en commission ni audition aucune. Les avocats de la couronne auront été les seuls à pouvoir dire leur mot ! Les parlementaires d’EàG ont eu trois minutes (!) en tout pour 9 député-e-s pour s’exprimer sur le sujet…
  • Circonstance aggravante supplémentaire: le Conseil d’Etat a fait passer cette réforme en l’assortissant d’une «clause d’urgence» exceptionnelle qui soustrait son entrée en vigueur à la sanction populaire d’un éventuel référendum.
  • Par ailleurs, chaque fois qu’on change les «règles du jeu» légales en matière de référendums ou d’initiatives, c’est le droit en vigueur au moment du lancement des initiatives ou référendums qui s’est appliqué. Ici le Conseil d’Etat cherche à modifier les règles du jeu en cours de partie, après le lancement des deux référendums contre le PL 12228 et 12404. On viole donc cette règle élémentaire.
  • Enfin, dans sa grande précipitation, le gouvernement a annoncé les référendums soumis au corps électoral, ainsi que la modalité du vote avec question subsidiaire, avant même que la loi modifiant la LEDP n’ait été promulguée par publication dans la FAO.

Deux recours déposés
A la lumière de ces différents éléments, le groupe Ensemble à Gauche, conformément à ce qu’il a annoncé publiquement, a décidé de s’opposer à ce coup de force gouvernemental antidémocratique en déposant deux recours en droit. Un des recours, déposé aujourd’hui, concerne l’arrêté du Conseil d’Etat du 1er février fixant les objets de la votation du 19 mai, décision prise en partie sans base légale. L’autre recours, qui sera déposé dès la promulgation de la loi 12424, s’oppose à cette dernière en tant que telle et réclame son annulation.


Documents joints :
– Arrêté du Conseil d’Etat du 1er février
Recours contre l’arrêté du 1er février
Recours contre la promulgation de la loi 12424